« Pure water » : une source de morbidité

Au Bénin, quelques centaines d’unités de production et de commercialisation

Nombre de béninois se désaltèrent à l’eau en sachet appelée « pure water », ignorant son caractère nocif pour la santé.

Au Bénin, quelques centaines d’unités de production et de commercialisation d’eau en sachet « pure water » exercent sur autorisation du strict minimum des structures compétentes en la matière. Parmi les accrédités, se trouve Clotilde Bocco, ancienne fonctionnaire de la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB). Elle brandit fièrement son autorisation d’installation reçue au Ministère de l’industrie, les résultats d’analyses délivrés par la Direction de l’Alimentation et de la Nutrition Appliquée (DANA) et l’accord de l’Agence Béninoise de l’Environnement.

Il y a cinq années environs, elle est entrée dans le secteur de la production de l’eau. Mais elle n’a jamais obtenu l’autorisation de la Direction Nationale de la Santé Publique (DNSP) du Ministère de la santé. Elle agite la lettre qu’elle a adressée au dit Ministère le 12 Août 2010 demeurée sans réponse. Sourou Adjinda, chef du service promotion de l’hygiène publique de la direction explique : « il y avait des producteurs d’eau qui avaient déposé des demandes d’autorisation. (Ils n’ont pas reçu l’autorisation parce que) le contexte juridique a évolué. On n’a pas délivré des accréditations mais on a fait des contrôles. »

La production de l’eau en sachet

Clotilde Bocco est devenue la gérante d’une unité de production d’eau en sachet nommée « Oxygène Water. » Elle réside à Abomey-Calavi (la commune la plus peuplée du Bénin). En face du domicile de son époux, est érigée une géante boutique. Elle abrite sa machine de production d’eau, estimée à plus de deux (2) millions de francs Cfa. Le dispositif est muni de deux tanks servant à conserver deux cent (200) et quatre cent (400) litres d’eau potable.

Pour produire l’eau en sachet, Dame Clotilde se sert de l’eau que fournissent les trente-cinq (35) tuyaux de la SONEB qu’elle a fait relier à son unité ou celles conservées dans les tanks. A l’aide des dix (10) filtres dont dispose sa machine, elle épure l’eau. Au même moment, les lampes ultra violettes de l’appareil éliminent les microbes contenues dans l’eau. S’en suit l’étape où l’eau est traitée avec des produits médicamenteux recommandés, avant d’être mise en sachet. Dans sa localité d’Alledjo, Clotilde Bocco revendique être la seule à utiliser cet appareil pour produire de l’eau. « Mes sachets, je les commande à l’étranger. Je certifie que mon sachet est propre, mon eau est propre et tout ce que je fais est propre (…) c’est ça qui attire les clients. »

Un blouson, des gangs, un protège-nez, un chapeau et des bottes : c’est l’accoutrement recommandé à tout employé ou visiteur avant d’entrer dans l’unité de production. Il favorise sa propreté en tout temps. « Les filtres sont régulièrement lavés chaque deux semaines et c’est moi-même qui le fais. », lance-t-elle d’un air prudent.

« Les maladies diarrhéiques, le choléra… »

Vendue à 25 f Cfa, le pure water est considérablement consommé par la majorité des béninois. Il remplace l’eau de pompe quand la SONEB est en panne. Comme la plupart des béninois, Rachi étudiante à Cotonou se fait une vague idée du processus de production de l’eau en sachet : « je crois qu’on met juste de l’eau dans un sachet et on ferme avec une machine » suppose-t-elle d’un air désintéressé.

L’informel fait sa loi dans ce secteur. La grande majorité des unités de production d’eau en sachet ne respecte pas les règles d’hygiène comme dame Clotilde. Elles ne sont pas accréditées. « C’est vrai que les analyses de toutes les unités n’ont été satisfaisantes, détaille  Sourou Adjinda, Chef du service promotion de l’hygiène publique à la  DNSP (…) Nous sommes déjà arrivés à fermer des unités parce que des analyses ont révélé un fort taux de nitrate dans l’eau. » « Il m’est arrivé de prendre du pure water qui sentait mauvais, confie Rachi pour qui la qualité « du sachet ou la conservation de l’eau » peut en être la cause.

« Lorsque les conditions d’ensachement de l’eau ne sont pas réunies, il y a des micro-organismes qui sont stockés dans ces sachets. Et lorsqu’ils trouvent des conditions favorables au développement de ces germes à travers l’ensoleillement, ces micro-organismes se multiplient, clarifie Firmin Adandédji, ingénieur spécialisé en éco-hydrologie. Ils engendrent des maladies diarrhéiques, le choléra, sans oublier le développement de petits virus et des verres. » La mauvaise qualité de l’eau peut également occasionner les mêmes affections.

 « Le danger continue de guetter les béninois… »

Pour Sourou Adjinda, « le danger continue de guetter les béninois » tant que toutes les unités de production n’ont pas fait certifier la qualité de l’eau qu’elles commercialisent. Encore moins la qualité du sachet qui la conserve. La police sanitaire qui doit accompagner cette œuvre est en nombre très réduit dans tout le pays. A ce jour, le Ministère de santé « met en place un vaste programme de formation et d’accompagnement de ces unités pour qu’à terme, elles aient des capacités qui leur permettent de faire l’auto-surveillance sur les systèmes. »

Pourquoi le Ministère de la santé n’a-t-il pas délivré des accréditations aux unités de production ? « Au moment où les gens faisaient la demande, il n’y avait pas encore la loi portant gestion de l’eau. Or, cette loi demande à chaque producteur d’eau qui doit utiliser l’eau de forage d’avoir une autorisation préalable, avant d’exécuter le forage. La plupart des producteurs qui avaient demandé l’autorisation sur la base de l’arrêté n’avaient pas l’autorisation de forage. Par rapport à cela, la procédure n’a pas pu aller à son terme. Mais nous nous sommes intéressés à la qualité de l’eau au point final pour contrôler si les populations peuvent la boire », a tenté de répondre Sourou Adjinda.

Même si aujourd’hui l’activité n’est plus autant rentable, Dame Clotilde continue toujours de produire et de commercialiser l’eau en sachet « pure water. »

L’arrêté 45/67 du 08 Août 2008 mentionné dans l’article fixe les règles de conditionnement et de mise en consommation des eaux minérales et des eaux de boisson conditionnées. Il précise aussi les modalités de la procédure d’autorisation soumise par le Ministre de la santé aux producteurs d’eau conditionnée. L’arrêté fixe la fréquence des analyses devant être effectués par le producteur. Il clarifie le rôle de contrôleur exercé par le Ministère de la santé. Enfin, il fixe les normes d’hygiène devant être appliquées par le producteur et les sanctions en cas de non-respect de la réglementation.

Source: Atelier des médias/rfi

Michaël Tchokpodo

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