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Sandra Idossou, la militante éco-citoyenne qui s’active pour « un Bénin sans sachet » plastique

Consultante en qualité de service, Sandra Idossou travaille à faire du Bénin, un pays sans sachet plastique. Votée et promulguée en bonne partie grâce à son militantisme avéré, la loi sur l’utilisation des sachets plastiques au Bénin lui confère désormais un cadre légal, pour mieux sensibiliser toutes les couches sociales sur les nuisances de ce contenant non biodégradable. Cela lui vaut une reconnaissance du Ministre du cadre de vie, l’encourageant à aller plus loin dans son combat.

Magazine In Afrik : Depuis de nombreuses années que le sachet en plastique non biodégradable fait des dégâts au Bénin, pourquoi n’avoir attendu que maintenant pour entamer une lutte contre son usage ?

Sandra Idossou : Il faut remarquer que, avant cela, je ne vivais pas [au Bénin]. Je suis rentrée en juillet et j’ai commencé [mes actions] en août. Dès que je suis arrivée, j’ai estimé qu’il y avait trop de sachets. Ce qui m’a choqué, c’est le fait qu’on mange dans les sachets. Et quand on se rend compte de la dangerosité de ce phénomène, je me suis dit : on ne peut pas se taire tout simplement parce que ça fait des années qu’on le fait.

Ce n’est pas parce que ça fait des années qu’on le fait qu’on ne peut pas le changer. D’où l’idée de lancer une campagne pour sensibiliser les gens parce qu’ils sont complètement ignorants. Ils ne savent pas du tout qu’ils sont en train de s’empoisonner. Ensuite, créer un cadre légal de lutte contre son utilisation. Nous sommes dans un pays qui a des responsables et ils sont censés nous offrir un cadre sain et propre.

Comment avez-vous mené le processus allant au vote de la loi interdisant l’utilisation des sachets en plastique non biodégradables au Bénin ?

Par rapport à mon métier, j’utilise beaucoup les réseaux sociaux. Et lorsque je suis revenue, j’ai utilisé les mêmes canaux pour allier les gens autour du phénomène.

Nous avons réussi à avoir 6.000 signatures en ligne, ce qui n’était pas du tout évident. Je pense que les gens ont signé parce qu’ils étaient fatigués eux-aussi de ce phénomène. Les députés aussi travaillaient dessus, donc, on les a encouragé à aller dans ce sens. La loi a été votée le 03 novembre 2017 et promulguée depuis le 28 décembre 2017 par le chef de l’Etat. On attend les décrets de mise en application.

Par la suite, vous avez lancé un vaste mouvement de sensibilisation aussi bien sur les réseaux sociaux que dans la vie active. Comment cela se passe ?

Il faut remarquer que nous sommes volontaires sur ce projet. Et comme nous sommes plus ou moins facilement sur les réseaux sociaux, on s’est dit qu’il faut mobiliser ceux qui sont déjà sur les réseaux sociaux mais j’avoue que ça ne suffit pas du tout. Les lettrés qui sont sur les réseaux sociaux représentent une infime partie de la population. Maintenant, il faut trouver un moyen pour descendre dans les marchés, les écoles, les contrées les plus reculées pour que les gens comprennent le message. C’est pour ça que nous sommes un peu limités parce que nous n’avons pas de moyens financiers, de logistique pour faire ces déplacements.

En ce moment, nous sommes un peu découragés parce qu’on rame pour fédérer les gens autour de cet investissement. Nous sommes persuadés que si les gens savent que c’ est dangereux pour leur santé, ils vont opter pour d’autres alternatives. Quand j’étais petite, pour aller acheter le pain, il fallait sortir avec un torchon. Donc, c’est juste un comportement de laisser-aller qui nous a favorisés. On voulait la solution facile, donc, on a laissé le sachet nous envahir. Aujourd’hui, il faut juste retourner vers les vieilles habitudes.

Quelles sont les autres actions envisagées ?

Nous voulons surtout aller dans les écoles. Quand je vois les enfants manger dans les sachets plastiques dans la cours de récréation, vous ne pouvez pas vous imaginer comment ça me fait mal au cœur. Je me suis dit : « c’est une génération sacrifiée » parce que c’est une génération qui s’intoxique depuis le bas-âge. Ce qui nous tient vraiment à cœur, c’est de trouver les moyens pour pouvoir sensibiliser les gens dans les écoles, sensibiliser les vendeuses. Ce qui est bien, quand on explique les choses aux gens, comme ça touche à leur santé, ils sont très réceptifs.

Sauf que maintenant qu’ils ont compris, il faut qu’ils changent de comportement. Ça veut dire que du jour au lendemain, la vendeuse de beignets a du papier pour vendre. Le gros boulot aussi, c’est de faire en sorte que les alternatives soient disponibles et pas très chères pour que tout le monde puisse avoir accès à ça.

Le Ministre du cadre de vie José Didier Tonato vous a distingué, le 08 mars dernier, pour votre engagement social contre les sachets. Quelles ont été vos impressions ?

D’abord, une grande surprise ! Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne savais même pas que le ministère était au courant de ce que je faisais. J’avoue que j’étais surprise, bien évidemment honorée. Ça fait plaisir de savoir que ce qu’on fait dans son coin est reconnu par les autorités, ça motive. On est nombreux à s’investir sur l’initiative mais on n’avait pas de contact direct avec le ministère.

On estimait que le ministère faisait pour lui, et nous nous essayions de sensibiliser les gens de notre côté. Maintenant, se rendre compte que le ministère apprécie ce qu’on fait, ça montre une fois encore que chacun dans son milieu peut faire quelque chose.

Est-ce à dire que vous serez désormais associée à la politique environnementale du Ministère ?

Je ne sais pas. Vu ce que nous avons prévu faire, nous pouvons nous associer sur certaines actions. J’estime qu’en tant que ministère, ils n’ont pas forcément toutes les ressources. Peut-être qu’ils ont la volonté mais ils n’ont pas ce pragmatisme que nous avons. La preuve, sans les moyens, nous avons pu faire beaucoup de choses. J’estime aussi qu’à un moment donné, si on se met ensemble, il y a certaines activités sur lesquelles on pourra les aider ou les accompagner ou eux inversement nous accompagner sur certaines activités. Le Ministre a été très franc et très ouvert. Nous allons partager avec lui nos plans d’action et nous espérons vraiment qu’on puisse trouver un terrain de partenariat.

Pour finir, quelles sont vos espérances ?

Je rêve d’un Bénin sans sachet. Je le crois fermement et c’est probablement ce qui me motive. J’ai vu les réalités d’autres pays et je sais que si on a de la volonté, on peut y arriver. Il faut maintenant se donner les moyens pour y arriver. En lançant la campagne « Sachet Héloué », mon objectif est que le Béninois, quand il voit le sachet, qu’il voit le danger. Si j’arrive d’une manière ou d’une autre à inculquer ça dans la mentalité de beaucoup de Béninois, j’aurais contribué à quelque chose.

Source: Magazine InAFrik

Propos recueillis par: Michaël Tchokpodo

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