Dans une interview accordée à Radio France Internationale (RFI), Bernard Hien, Directeur régional Afrique de l’Ouest et du Centre du Fonds International de Développement Agricole (FIDA), l’une des agences des Nations unies ayant contribué à ce rapport, a fourni des explications sur les raisons de cette détérioration.
Selon Bernard Hien, le rapport met en lumière une stabilisation de la situation au niveau mondial, mais une détérioration en Afrique de l’Ouest et du Centre. Par exemple, en 2023, 733 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim, soit une personne sur 11. En revanche, en Afrique de l’Ouest et du Centre, c’est une personne sur cinq qui a souffert de la faim la même année. Cette région, ainsi que l’Afrique centrale, connaît une dégradation inquiétante, avec une augmentation significative du nombre de personnes touchées par la faim : 8 millions en Afrique centrale et 6 millions en Afrique de l’Ouest.
A l’en croire, plusieurs facteurs expliquent cette situation. Tout d’abord, il évoque les problèmes structurels et multidimensionnels liés à la fragilité des pays de la région. La moitié des pays de la région sont classés comme fragiles par la Banque mondiale, et selon l’OCDE, 80 % des pays évoluent dans un contexte de fragilité. Cela rend les projets d’investissement plus difficiles, surtout en ce qui concerne la pauvreté extrême, la faiblesse des institutions, et la vulnérabilité aux changements climatiques.
Des crises négligées aggravent la situation alimentaire
Le deuxième facteur cité par Hien est lié aux conflits et à l’insécurité. La région est confrontée à de nombreuses crises, dont certaines perdurent depuis longtemps. Trois des cinq crises les plus négligées au monde se trouvent en Afrique de l’Ouest et du Centre. Ce qui se traduit par un manque d’attention de la communauté internationale, peu de soutien humanitaire, et un investissement limité pour la reconstruction. Ces crises ont entraîné le déplacement interne de 14 millions de personnes, principalement au Burkina Faso, au Nigeria, en RDC, et en Centrafrique, représentant environ 70 % des déplacements internes en Afrique.
Le troisième facteur concerne le ralentissement économique. La pandémie de Covid-19 a gravement affecté les économies de la région, qui ne commencent à se redresser que depuis 2022. Les États ont dû se concentrer sur les réponses sanitaires d’urgence, au détriment des investissements dans l’agriculture. En outre, la région a subi la plus forte inflation des prix alimentaires au monde, atteignant 12 %, avec des pics au Nigeria (25 %), au Ghana (38 %), et en Sierra Leone (47 %). Cette situation a réduit le pouvoir d’achat des populations et affecté la sécurité alimentaire.
Enfin, Hien souligne l’impact des changements climatiques. Cinq pays de la région figurent parmi les plus vulnérables et les moins capables de faire face aux défis climatiques. Cela entraîne la dégradation des sols, la désertification, et une faible productivité agricole, aggravant ainsi l’insécurité alimentaire.
Des solutions pour renforcer la sécurité alimentaire et stabiliser la région
Pour améliorer la situation, il propose plusieurs leviers. Il s’agit notamment de renforcer la productivité des systèmes agroalimentaires, de diversifier les cultures, et d’améliorer l’accès au marché pour les petits exploitants. Il est également essentiel d’investir dans les PME rurales, de construire des infrastructures adaptées, et de soutenir les efforts de stabilisation dans des zones comme le Sahel. Enfin, il propose l’adoption des politiques et des cadres législatifs qui favorisent l’innovation et attirent le secteur privé.
En tant qu’agence spécialisée des Nations unies, le FIDA joue un rôle clé dans ce processus, en apportant une assistance technique et financière aux pays de la région. Le FIDA a alloué plus de 55 % de ses ressources à l’Afrique subsaharienne lors de son dernier cycle de financement. De plus, l’agence est en train de décentraliser ses opérations, avec l’ouverture d’un bureau régional à Abidjan pour mieux soutenir ses partenaires locaux. Le FIDA continue également d’innover en matière de financement, notamment par l’émission d’obligations durables et d’autres instruments financiers destinés à soutenir le développement rural.