Cette conférence régionale a réuni des représentants gouvernementaux, décideurs du secteur privé, bailleurs internationaux, organisations techniques et professionnels de santé, afin de repenser le financement de la santé en Afrique à travers les partenariats public-privé.
Pour Dr Joseph Boguifo, président de la FOASPS, investir dans le secteur de la santé, c’est investir dans la dignité humaine. Lors de cette conférence, un dialogue franc et inclusif a permis aux participants de poser les bases d’une nouvelle gouvernance sanitaire, où la complémentarité entre secteur public et privé est perçue comme un véritable levier de transformation à l’échelle locale et régionale. Dr Latif Abdou Mousse, président de la PSSP du Bénin, a salué le bon timing de cette rencontre, qui vise à analyser les défis actuels des systèmes de santé au Bénin et dans la sous-région. Il a notamment souligné les faiblesses structurelles comme le manque de ressources et les difficultés de gestion des crises sanitaires. Selon lui, cette conférence a aussi été l’occasion propice pour identifier des stratégies concrètes pour renforcer la coopération entre les secteurs public et privé, tant à l’intérieur des pays qu’entre eux, et de proposer des mécanismes de politiques publiques mieux adaptés à un financement durable de la santé, en tenant compte des besoins locaux et des bonnes pratiques régionales et internationales.
La représentante du ministre de la Santé du Bénin, Agnès Lissa Vissoh, a souligné que « la résilience des systèmes de santé repose avant tout sur la qualité des investissements ainsi que sur l’inclusivité des réformes ». Par ailleurs, Hugues Tchibozo, de l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS), a alerté sur la diminution des financements extérieurs. Il a insisté sur la nécessité de renforcer la gouvernance locale et d’explorer toutes les sources de financement internes. Cette position est également partagée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui déplore que seulement 5 % des pays africains respectent l’engagement pris à Abuja de consacrer 15 % de leur budget national à la santé. Le représentant de l’OMS a également révélé que 44 % des dépenses de santé sur le continent sont à la charge directe des ménages, ce qui compromet fortement l’équité dans l’accès aux soins. Il a insisté sur l’urgence de transformer les modèles de financement en renforçant les partenariats, en adaptant les cadres réglementaires et en favorisant l’innovation, notamment à travers le développement de la télémédecine, la mise en place de fonds de garantie et le cofinancement.
Accompagnement du secteur privé
Plusieurs initiatives concrètes sont déjà en place, parmi lesquelles le projet ARS3, piloté par PSI Bénin et l’ABMS, qui couvre 441 formations sanitaires et intervenant dans 24 communes de quatre départements. Ce programme vise une amélioration durable des services en santé maternelle, néonatale et infantile. Emery Nkurunziza, représentant résident de PSI, a mis en avant les avancées réalisées grâce à « des protocoles harmonisés, un accompagnement du secteur privé et l’équipement en matériel médical de 230 structures sanitaires », des actions ayant déjà permis de sauver de nombreuses vies. De son côté, Dr Joseph Boguifo a rappelé que dans plusieurs pays africains, le secteur privé fournit jusqu’à 60 % des soins. Plutôt que d’être un concurrent, ce secteur est un partenaire clé pour atteindre la couverture sanitaire universelle.
Le panel 6, animé par Speak Up Africa, a porté son attention sur le rôle du secteur privé dans la lutte contre le paludisme. Le rapport intitulé « Changez l’histoire, sauvez des vies » y a été largement débattu, proposant des mécanismes de cofinancement, des fonds de garantie et le recours à la télémédecine. Les participants ont avancé plusieurs pistes concrètes pour accélérer l’élimination du paludisme, notamment la mobilisation du secteur privé dans les zones rurales, la création de fonds de garantie, l’innovation technologique et une meilleure circulation des données entre les acteurs. Les échanges ont également mis en exergue plusieurs obstacles persistants dont la faible mobilisation fiscale, la fragmentation des financements, la faible présence du secteur privé dans les zones rurales, ainsi que l’absence de mécanismes d’incitation adaptés. Parmi les recommandations, figurent l’adoption de nouvelles lois régissant les partenariats public-privé (PPP), la simplification de l’accès au crédit pour les prestataires privés, ainsi que l’institutionnalisation du dialogue public-privé dans la planification sanitaire.
Cette conférence a permis de dresser un bilan clair et réaliste du financement de la santé en Afrique, tout en faisant émerger des solutions adaptées au contexte local.
Brunelle Tchobo