Au terme de deux jours d’activités intenses réunissant ONGs, médias, ils ont pu définir une stratégie de communication cohérente, contextualisée et percutante en faveur de la nutrition, à travers l’identification des messages clés et canaux adaptés à chaque zone, la capitalisation d’initiatives communautaires et de bonnes pratiques en nutrition, et la co-production de contenus multimédia pour accompagner la Campagne Nationale de Plaidoyer pour l’Intensification de la Nutrition (CaNPIN). Au micro de Miodjou, Angelo Klanclounon, Responsable Communication & Plaidoyer à l’ASCINB fait le point.
Miodjou : Dans quel cadre s’inscrit cette formation/atelier ?
Angelo Klanclounon : Cet atelier s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du projet CASCADE, financé par le Ministère des Affaires Étrangères des Pays-Bas et mis en œuvre au Bénin par le consortium CARE-GAIN en collaboration avec les organisations de la société civile, dont l’ASCINB. Il constitue un levier stratégique pour renforcer l’efficacité de la Campagne Nationale de Plaidoyer pour l’Intensification de la Nutrition (CaNPIN), portée par l’ASCINB, et vise à appuyer l’adoption des Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) au niveau communautaire.
L’atelier intervient en réponse directe à plusieurs constats liés aux enjeux nutritionnels de notre pays. Particulièrement, une mission de terrain menée auprès des Partenaires de Mise en Œuvre (PMO) en juillet 2025, a révélé plusieurs défis : des messages nutritionnels encore dispersés, des supports peu adaptés aux réalités locales, une faible valorisation des bonnes pratiques, et un déficit de convergence entre les stratégies de communication et les plans de plaidoyer.
Ce rendez-vous est donc un moment de co-construction, d’engagement collectif et de renforcement de capacités. Il permet de réunir les médias partenaires, les OSC locales et les relais communautaires à travers les PMO autour d’un objectif commun, celui de concevoir, harmoniser et diffuser des outils de communication contextualisés, efficaces et culturellement pertinents pour soutenir les RASE.
Au-delà de l’aspect technique, cet atelier constitue aussi un acte de plaidoyer en soi, car il vise à outiller les acteurs de terrain pour mieux porter la voix des communautés, documenter leurs pratiques nutritionnelles, et influencer durablement les agendas locaux en matière de nutrition, surtout à l’approche d’échéances politiques clés.
Pourquoi promouvoir les Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) ?
Promouvoir les Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) est aujourd’hui une priorité stratégique et éthique pour le Bénin, et l’un des piliers d’action de l’Alliance de la Société Civile pour l’Intensification de la Nutrition au Bénin (ASCINB), engagée quotidiennement pour améliorer durablement la nutrition au service des plus vulnérables. Cette action s’inscrit pleinement dans la vision du projet CASCADE, qui vise à catalyser des politiques et des actions concrètes en faveur de régimes alimentaires sains et résilients.
Les RASE sont une réponse directe au double fardeau de la malnutrition que connaît notre pays : d’un côté, la sous-nutrition et les carences en micronutriments touchent les enfants et les femmes en âge de procréer, et de l’autre, les maladies non transmissibles comme le diabète, l’hypertension et l’obésité sont en hausse du fait de la consommation excessive de produits ultra-transformés. Il s’agit donc de replacer la santé nutritionnelle au cœur des choix alimentaires des Béninois.
Promouvoir les RASE, c’est faire un choix de société, un choix d’équité, un choix de vie.
Plus de 91 % de la population ne peut actuellement accéder à un régime sain (source : Food Systems Dashboard), alors même que le Bénin a l’un des taux d’anémie les plus élevés chez les femmes (58 %, EDSB-V 2018), et que 1 enfant sur 3 souffre de retard de croissance. La surconsommation d’aliments importés, pauvres en nutriments, et le recul des habitudes alimentaires locales aggravent la situation.
Face à cette réalité, les RASE apparaissent comme un levier puissant pour améliorer la santé publique, en réduisant les carences, les maladies chroniques, et la mortalité évitable ; soutenir l’agriculture familiale et l’économie locale, en valorisant les produits du terroir, la transformation artisanale et les circuits courts. Mieux, elles visent à renforcer la résilience alimentaire des ménages face aux crises économiques et climatiques ; et à préserver le patrimoine culinaire béninois, en réhabilitant les savoirs et pratiques nutritionnels traditionnels.
La promotion des RASE est également en parfaite cohérence avec les orientations nationales. Elle s’aligne sur la Politique Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (PNAN) et les engagements du Bénin au sein du Mouvement Scaling Up Nutrition (SUN), qui placent la nutrition comme un droit fondamental et une priorité multisectorielle. À travers le projet CASCADE et la Campagne Nationale de Plaidoyer pour l’Intensification de la Nutrition (CaNPIN), l’ASCINB qui est le point focal du Mouvement SUN au Bénin, mobilise les médias, les OSC, les autorités locales et les leaders communautaires pour que les RASE deviennent non seulement un message, mais une réalité partagée dans nos villages, nos écoles, nos marchés et nos foyers.
Promouvoir les RASE, c’est faire un choix de société, un choix d’équité, un choix de vie.
Quel est le plan de communication envisagé ?
Le plan de communication envisagé pour soutenir la campagne d’adoption des Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) est conçu comme un outil stratégique, structurant et aligné à la dynamique de plaidoyer multisectoriel du projet CASCADE. Il s’inspire des axes définis dans la stratégie de plaidoyer du projet, tout en capitalisant sur les plans d’action des Partenaires de Mise en Œuvre (PMO), récemment actualisés avec l’appui technique de l’ASCINB.
Ce plan se veut contextualisé, participatif et résolument ancré dans les réalités locales, grâce notamment à l’apport des cinq groupes de travail thématiques constitués durant l’atelier de planification opérationnelle. Ces groupes ont mené une réflexion approfondie sur les enjeux majeurs de l’alimentation au Bénin, qui ont abouti à une série de messages clés et de recommandations concrètes autour des axes suivants : réduction des excès de sucre, de sel et de matières grasses ; renforcement des apports nutritionnels en protéines, fruits et légumes ; lutte contre la consommation des produits ultra-transformés ; réduction des facteurs antinutritionnels (liés à la mauvaise cuisson ou à l’absence de trempage) ; et prévention des intoxications alimentaires à l’échelle des ménages, écoles et marchés.
Ces travaux constituent le socle de contenu qui alimentera la production des messages, des supports multimédias et des activités communautaires. Les messages clés à relayer sont simples, mobilisateurs et adaptés aux différents profils de publics : « Manger varié et coloré chaque jour pour vivre en bonne santé », « nos produits locaux sont nutritifs et suffisent pour composer des repas équilibrés », « les RASE protègent les enfants et les mères contre la malnutrition et les maladies chroniques » et « investir dans la nutrition aujourd’hui, c’est assurer l’avenir de nos communautés. »
Les canaux et formats de diffusion seront diversifiés et complémentaires. Ils exploiteront les radios et télévisions locales, les réseaux sociaux et plateformes numériques, les espaces communautaires, les supports imprimés, la mobilisation sociale et institutionnelle ainsi que des formations ciblées. Plusieurs outils de coordination sont prévus pour assurer une mise en œuvre cohérente et un suivi rigoureux. Il s’agit de :
- Une matrice « message / cible / canal » pour planifier la diffusion des messages ;
- Un référentiel partagé de bonnes pratiques nutritionnelles alimenté par les PMO ;
- Un calendrier de communication aligné aux événements nationaux (Semaine mondiale de l’alimentation, Journée de la femme rurale, Journée mondiale de la nutrition…) ;
- Des indicateurs de suivi et d’impact (taux de diffusion, participation communautaire, changement de comportements observés).
Ce plan est bien plus qu’un simple agenda médiatique. Il incarne une stratégie de transformation sociale, dans laquelle l’ASCINB, en tant qu’alliance de la société civile, joue un rôle de courroie de transmission entre les communautés, les institutions et les décideurs. Il vise à créer un mouvement collectif autour de la nutrition, afin que chaque citoyen, chaque leader et chaque acteur local devienne ambassadeur des RASE dans sa commune, son foyer et sa sphère d’influence.
Que dit le guide alimentaire du Bénin ?
Le Guide alimentaire du Bénin, élaboré par le Conseil National de l’Alimentation et de la Nutrition (CAN), constitue un pilier fondamental dans la lutte contre la malnutrition au Bénin. Il fournit des recommandations claires, culturellement adaptées et scientifiquement fondées sur les groupes d’aliments essentiels à consommer chaque jour pour garantir une alimentation équilibrée, préventive et promotrice de santé. Il insiste notamment sur la diversité alimentaire, la consommation quotidienne de fruits et légumes, la limitation des sucres, du sel et des produits ultra-transformés, ainsi que la valorisation des produits locaux, des protéines végétales et animales, et de l’hydratation avec de l’eau saine.
La feuille de route issue de cet atelier se veut concrète, inclusive et orientée vers l’impact.
Ces principes rejoignent parfaitement la logique des Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) que promeut le projet CASCADE à travers la Campagne Nationale de Plaidoyer pour l’Intensification de la Nutrition (CaNPIN). Promouvoir les RASE, c’est donc non seulement appliquer les directives nationales, mais aussi répondre aux défis spécifiques du pays : le double fardeau de la malnutrition, la transition nutritionnelle, l’accessibilité limitée à des aliments sains pour plus de 90 % des ménages, et la faible diversité alimentaire observée dans les zones rurales.
En alignement avec ce guide, l’ASCINB, en tant qu’alliance d’organisations engagées pour la nutrition au Bénin, joue un rôle central dans l’opérationnalisation de ces recommandations. À travers ses actions de plaidoyer, de communication institutionnelle et de mobilisation communautaire, elle traduit ces orientations en messages, outils et interventions de terrain compréhensibles et accessibles aux communautés, aux leaders locaux et aux décideurs.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit l’atelier de planification sur les actions de communication en soutien aux RASE qui vise à harmoniser les messages clés du guide alimentaire avec les réalités socioculturelles de chaque commune d’intervention. Il s’appuie également sur les résultats des cinq groupes de travail thématiques (réduction des excès, renforcement des apports nutritionnels, lutte contre les ultra-transformés, réduction des antinutritionnels, prévention des intoxications), pour adapter finement les contenus aux enjeux nutritionnels du terrain.
Le guide alimentaire du Bénin n’est pas seulement une référence technique, c’est aussi un levier stratégique d’action pour ASCINB et ses partenaires dans le cadre du projet CASCADE. Il constitue une boussole partagée pour orienter les comportements, nourrir les politiques locales et catalyser un changement durable vers des systèmes alimentaires sains, inclusifs et résilients.
Quelle est la feuille de route et les prochaines étapes ?
La feuille de route issue de cet atelier se veut concrète, inclusive et orientée vers l’impact. Plusieurs étapes clés ont été définies pour garantir la mise en œuvre efficace des actions de communication sur les Régimes Alimentaires Sains et Équilibrés (RASE) dans les communes d’intervention du projet CASCADE. D’abord, un comité de suivi multipartite de cinq membres, composé de représentants des OSC, des médias et des PMO sera mis en place. Ce comité aura pour mission de veiller à la bonne exécution des décisions prises, d’assurer la cohérence des contenus avec les plans de plaidoyer locaux, et de coordonner les efforts de dissémination.
Ensuite, nous procéderons au recrutement de professionnels du graphisme, de la conception visuelle et du montage audiovisuel, afin de traduire les messages clés validés pendant l’atelier en supports multimédias contextuels et engageants. Une fois ces supports finalisés, ils seront mis à disposition de l’ensemble des partenaires – OSC, médias, communes, relais communautaires – pour déployer le plan de communication avec l’utilisation optimale des outils sur le terrain, dans les actions de sensibilisation, de plaidoyer et de mobilisation sociale.
Enfin, une mission de suivi-évaluation sera conduite pour mesurer l’utilisation effective des outils produits, leur appropriation par les cibles, et surtout leur impact sur les comportements alimentaires et les décisions locales. Ce retour terrain permettra d’ajuster les actions, de documenter les bonnes pratiques, et d’alimenter les prochaines phases du projet.
