Dans la région de l’Afrique de l’ouest et du centre, de récents chiffres indiquent que 84% des personnes vivants avec le VIH connaissent leur statut sérologique et 79% sont sous traitement ARV.
Ce sont-là quelques résultats élogieux rendus possibles grâce au partenariat communautaire. Alors que des défis existentiels à l’instar de la réduction des nouvelles infections, l’accès de certains groupes aux dernières technologies ou l’identification des 194 mille enfants vivants avec le VIH dont le statut n’est pas connu persistent, une crise de financement et de confiance a éclaté depuis janvier 2025.
En ce moment particulier de la réponse au VIH, l’intégration prend tout son sens. Pour adresser les défis constants et divers, elle peut être horizontale et verticale. A l’intégration, s’ajoute la résilience, toutes deux des voies de la durabilité. A la deuxième journée de la réunion régionale de haut niveau, la conférence inaugurale a porté sur le thème : « mettre l’accent sur la résilience. » La conférencière, Dr Adam Yattassaye, Directrice des Programmes à ARCAD Santé Plus au Mali, a fait le constat selon lequel : « la zone AOC est marquée par des crises multifactorielles, des systèmes de santé fragilisés et des populations vulnérables. Les populations déplacées et les populations clés en souffrent plus. »
Intégration et résilience
Si l’intégration et la résilience sont plus que jamais d’actualité, Dr Adam Yattassaye explique : « l’intégration des services vise à mettre à la disposition, en un point, plusieurs services pour la population. Elle ne concerne pas seulement le VIH mais permet de régler les problèmes des populations et facilite la fréquentation des services. Mais la résilience communautaire est la capacité à résister, à s’adapter et se rétablir pour assurer la continuité des fonctions essentielles par rapport à divers services pour réduire les effets et les impacts de la crise. »
Malgré l’état de lieux peu reluisant, quelques modèles opérationnels d’offre de services intégrés VIH dans les contextes de crise sont à prendre en compte : l’utilisation des réseaux sociaux pour la prévention, la continuité de l’accès aux produits de santé VIH, la formation des parajuristes dans les communautés minoritaires. De même que l’intégration des chefs coutumiers, le réseautage des OSC/acteurs communautaires et le transfert des compétences.
Pour expérimenter ces modèles, il faut systématiquement inclure les représentants des OSC dans les instances de discussion et de coordination, simplifier le système de recueil des données et former les utilisateurs. S’agissant des organisations locales, il faudra renforcer leurs capacités dans la planification de la gestion programmatique et financière.
La Côte d’Ivoire, un cas d’école…
Le panel « de la dépendance mondiale au pouvoir national : le financement des soins intégrés » a donné la parole à divers intervenants qui ont partagé des expériences pays et formulé des propositions concrètes. En 2004, la Côte d’Ivoire a créé Fonds national de lutte contre le Sida placé sous la tutelle du Ministère de la santé et du Ministère des finances. Objectif : mobiliser les ressources et financer les activités liées au VIH SIDA.
D’après sa Directrice générale, Sokouri Flore Nathalie, le fonds a financé 783 projets communautaires de lutte contre le SIDA. En effet, précise-t-elle : « le fonds a une subvention de l’Etat (30%) et 70% proviennent des partenaires. 80% de nos financements sont orientés vers les projets communautaires. On lance un appel à projets, on analyse la capacité des projets. Après quoi, on signe une convention pour mettre à disposition du financement puis, on fait le suivi-évaluation. »
Elle renchérit : « nous finançons des réseaux de lutte contre le SIDA, les projets de prévention, les projets de dépistage, les projets combinés pour les adolescents et jeunes femmes, les soins et soutiens des personnes vivant avec le VIH. » A présent, des réformes sont en cours pour élargir le champ d’actions du fonds afin qu’elle aborde la santé maternelle, la nutrition, la sécurité sanitaire, le VIH, la tuberculose. A ce titre, les besoins de financement sont estimés à 150 milliards de francs Cfa. La Côte d’Ivoire compte sur la mobilisation domestique à travers la taxe sur les boissons, le tabac, etc. pour y arriver.
« Nous devons penser à des modèles intégrés »
Le cas du Nigéria est tout autre. Pour Godpower Omoregie, expert en contrats sociaux, la population du Nigéria évaluée à plus de 215 millions est l’un des facteurs déterminants du système de santé. Alors que les projets de santé ont été financés à hauteur de 24 milliards de naira en 2024 et de 49 milliards de naira en 2025, le gouvernement alloue 5% aux soins de santé. Un apport financier bien loin des recommandations issues de la déclaration d’Abuja.
Par ailleurs, le gouvernement a mis en place un système de valeur présidentielle pour intégrer les différents services de santé. Cependant, 80% des fonds alloués au SIDA sont déboursés par les partenaires et seulement 20% sont issus des ressources locales. Avec la crise, les fonds s’amenuisent et affecte l’accès aux services. D’où le besoin d’appui des services communautaires.
S’agissant du financement, Mame Awa Touré, leader de la santé mondiale et ancienne directrice de l’ICAP WCA a exprimé quelques inquiétudes : « qu’avons-nous en termes de ressources au niveau national et continental ? Est-ce que cela nous permet de financer nos systèmes de santé ? Est-ce intégré ? » avant d’affirmer : « Nous devons penser à des modèles intégrés. Nous ne pouvons plus revenir en arrière. Nous pouvons utiliser la RSE pour financer la santé. Nous pouvons créer un fonds annuel à partir des événements annuels où beaucoup d’argent sont mobilisés en un temps record. »
Elle a envisagé l’option de la philanthropie comme une solution pérenne. Le mécanisme de mobilisation de fonds dans le sport peut devenir un modèle orienté vers la santé.
« […] se mobiliser et trouver des solutions »
Fodé Simaga est le Directeur des sciences, systèmes et services pour tous au siège de l’ONUSIDA. D’après lui : « la réduction drastique de l’aide à la santé au niveau global a provoqué le réveil de la communauté internationale et de nos pays sur les solutions à trouver. Et c’est en ce moment que les pays arrivent à se mobiliser et trouver des solutions. » Estimée à 70%, l’aide américaine au profit du système sanitaire a été suspendue en début d’année. Malheureusement, les pays africains sont obsédés par le mode curatif plutôt que d’envisager la prévention qui est toute aussi essentielle et peut être intégrée. A cet effet, Fodé Simaga plaide pour la prise en charge des moyens préventifs à tous les niveaux.
« Le financement vertical a facilité beaucoup de financements au profit du SIDA. Pour arriver à bout du SIDA, il faut une approche multisectorielle à travers le financement de la prévention, le financement du système communautaire et le financement domestique », propose Fodé Simaga qui invite à la mise en place d’un think tank pour adresser les problématiques liées au sujet.
Massogui Thiandoum, Directeur technique ANCS, Sénégal a clôturé la réunion par la présentation d’un document de position par les organisations communautaires. Le document a présenté les revendications collectives de la communauté, les normes non négociables en matière d’équité et de leadership, ainsi que les principales actions requises des gouvernements et des donateurs pour garantir la centralisation, la formalisation et le financement de la composante communautaire dans le cadre de la prochaine étape des soins intégrés.
Il faut préciser que Enda Santé dont l’objectif vise à impliquer les communautés dans la promotion de leur santé, en s’assurant qu’elles participent activement à la prise de décisions qui les concernent, est membre de la Société Civile pour la Santé en Afrique de l’Ouest et du Centre.
