Tenue en Amazonie du 10 au 22 novembre 2025 à Belém, la COP30 devait marquer un tournant décisif. Elle a surtout mis en lumière l’écart persistant entre l’urgence écologique, la pression croissante des citoyens et la frilosité politique des États.
Organiser la COP en Amazonie n’était pas anodin. C’était une manière de dire au monde « voici ce que nous risquons de perdre. » L’urgence était visible, palpable. Mais ce contraste était frappant. Le symbole était immense, mais les décisions prises n’ont pas été à la hauteur de ce symbole. On sent que les pays reconnaissent l’urgence, mais les actions concrètes ne suivent pas les promesses. Nous parlons d’une COP de la vérité qui s’est vue dominée par une forte présence des industrielles pétrolières souvent dans plusieurs délégations officielles comme celles de la France avec Total Energies. On se demande si ce n’est plutôt pas une COP du lobbying des industries du pétrole. La science a alerté et le multilatéralisme à encore eu des difficultés à produire des résultats que les communautés réclament réellement.
Certes, il faut reconnaître certains signaux positifs. Les discussions sur la transition énergétique, la lutte contre la déforestation et la résilience ont montré une volonté d’accélérer. Nous pouvons retenir trois résultats principaux de cet COP 30.
En premier lieu, les efforts volontaires d’abandonner les énergies fossiles en prenant en compte les engagements pris à la COP 28 en 2023 de renoncer à terme les énergies fossiles de manière progressive et durable sans pour autant définir une feuille de route explicite pour cette sortie. Cela constitue un véritable échec pour cette COP qui pour beaucoup de pays allait permettre de trouver un consensus sur la question des fossiles.
Deuxièmement, le triplement de l’aide à l’adaptation climatique aux pays en développement et cela pourrait atteindre un objectif de 120 milliards de dollars par an. Enfin, pour la première fois dans l’histoire des COPs, les tensions commerciales mondiales vont faire l’objet d’un dialogue pendant les trois prochaines COP et cela représente une grosse victoire pour les chinois qui recherchait avec d’autres pays émergents les moyens de contourner la taxe carbone de l’Union européenne.
Cependant, ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont pas les intentions, ce sont les mécanismes de mise en œuvre. Beaucoup d’annonces n’ont ni calendrier clair, ni plan de financement, ni d’outils de suivi. On ne peut plus se contenter de déclarations, il faut des preuves et de l’action de la part des grandes puissances.
La finance climatique est le nerf de la guerre parce que la question principale, c’est qui va payer les réparations même si les coupables se connaissent déjà. Tout dépend d’elle, que cela soit l’adaptation, la transition, la protection des écosystèmes etc. Les pays vulnérables de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Asie attendaient des engagements solides, prévisibles et accessibles durant cette COP. Ce qu’ils ont obtenu reste insuffisant. Les annonces sont là, mais pas encore les mécanismes robustes. Tant que les flux financiers resteront incertains, les pays n’auront pas la capacité d’agir à l’échelle demandée. Et ce qui est le pire, c’est la montée en puissance des effets néfastes des changements climatiques qui affectent chaque jour les moyens de subsistances des milliers de citoyens partout dans le monde. De plus, les efforts actuels nous conduisent hors des objectifs fixés en 2015 de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C dans l’accord de Paris qui célèbre une décennie cette année.
Au cours de cette COP 30, le débat a été très présent, ce qui est positif. Les pays forestiers ont enfin pu expliquer leurs besoins et leurs réalités. Mais là aussi, les outils économiques pour soutenir la conservation restent flous. On ne peut pas demander à des pays d’être les gardiens des dernières grandes forêts tropicales sans leur offrir les moyens d’un développement juste et durable. On ne peut exiger des pays poumons de la planète de faire davantage d’efforts pour préserver le climat mondial en continuant à investir des milliards dans des projets d’énergies fossiles, de déforestation et en bafouant les droits des peuples autochtones qui sont des gardiens de la conservation de nos biodiversités. La COP 30 n’a pas résolu ce paradoxe hélas et il reste beaucoup à faire sur ce sujet.
A titre personnel, mes attentes pour la COP 30 restent non comblées. On espérait une COP de vérité, d’action, de transformation des promesses en actions, du changement, du travail collectif productif et de renforcement des ambitions au niveau de la finance climatique. Elle a montré des avancées, des prises de conscience, mais aussi les limites du système actuel. Nous n’avons plus droit aux illusions. La prochaine étape doit être celle de la cohérence, celle d’appliquer ce que l’on dit, financer ce que l’on promet, protéger ce que l’on considère essentiel. La COP 31 qui sera sous le leadership de la Turquie et de l’Australie sera un test décisif. Et le vrai travail se joue maintenant, entre deux COP. Mais la question principale reste un dilemme, est-ce nécessaire voire utile de continuer à organiser des COP chaque année sans avancées majeures et si le multilatéralisme nous sortira de cette impasse.
Au cours de cette COP, les jeunes, les peuples autochtones, les communautés locales et la société civile présents sur place ont porté une énergie incroyable. Ce sont eux qui rappellent aux dirigeants et aux négociateurs les vraies réalités de terrain que vivent les communautés à la COP. Ils marchent, chantent, scandent, influencent et en appelle à l’action concrète de la part des pays parties. Pour ma part, avec la campagne « La COP POUR LES NOUVEAUX », nous avons voulu rendre la COP accessibles, déjouer la désinformation et encourager la participation. Nous informer, sensibiliser, engager et susciter l’action des citoyens en diffusant l’information pour leur permettre de contribuer à leur échelle à la lutte pour la préservation de notre avenir commun. Nous travaillons actuellement à organiser un webinaire pour clôturer cette campagne avec des parties prenantes ayant pris part à cette conférence et ça sera l’occasion de donner la parole aux citoyens sur ce sujet. Les grands rassemblements que nous avons tous observés à cette COP ont montré que la société civile n’est plus un simple observateur, c’est un moteur de changement et d’influence. Nous gardons espoir que le monde peut surmonter la crise en travaillant ensemble.
Tabaraka BIO BANGANA, spécialiste junior en gestion de l’environnement, activiste climat et initiateur de la campagne « La COP pour les Nouveaux »
