A l’occasion d’un webinaire spécial organisé à l’intention des journalistes du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN) en Afrique, Dr Mechior Aissi, Directeur général de l’Organisation Ouest-africaine de la santé (OOAS) a exposé les missions, objectifs, défis et perspectives de l’organisation. C’était ce mardi 18 octobre 2022.
Créée en 1987 en tant qu’institution spécialisée de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Organisation ouest africaine de la santé (OOAS) n’a démarré ses activités qu’en l’an 2000. Plus de 20 années maintenant qu’elle a reçu la lourde mission « d’offrir le niveau le plus élevé en matière de prestations de soins de santé aux populations de la sous-région sur la base de l’harmonisation des politiques des États membres, de la mise en commun des ressources et de la coopération entre les Etats membres et les pays tiers en vue de trouver collectivement et stratégiquement des solutions aux problèmes de santé de la sous-région. »
Cela n’empêche justement pas les défis sanitaires auxquels les populations de la région sont confrontées et qui nécessitent des actions hardies de la part de l’OOAS. En acceptant de participer à un webinaire spécial, face à plusieurs dizaines de journalistes issus de différents pays africains et membres du REMAPSEN Afrique, Dr Melchior Aissi veut surtout mieux faire connaître l’organisation qu’il dirige à travers ses missions, attributions et surtout ses priorités et actions sur le terrain.
En effet, l’OOAS détient un mandat politique qui est celui de promouvoir les normes de santé les plus élevées possibles parmi les États membres de la CEDEAO par la mise en commun des ressources régionales, l’harmonisation des politiques de santé entre les États membres, et la promotion générale de la collaboration entre les gouvernements pour faire face aux problèmes de santé régionaux. Spécifiquement, elle œuvre à faciliter la formation du personnel de santé, à conseiller les États membres sur tous les aspects sanitaires de leurs programmes de développement et à collaborer avec les organisations internationales, régionales et nationales pour résoudre les problèmes de santé.
Quid des défis ?
« Les défis rencontrés par les pays de la CEDEAO vont au-delà du système de santé, pour embrasser les contextes sociétaux, politiques et économiques plus larges des pays. Les défis peuvent être classés en défis contextuels, défis liés à l’offre du système de santé et en défis liés à la demande du système de santé », cite Dr Melchior Aissi. Parlant dans un premier temps des défis contextuels, il va évoquer l’instabilité politique et les menaces terroristes qui continuent de perturber les services de santé dans de nombreux pays de la CEDEAO. A cela, s’ajoute la menace du changement climatique sur la santé des populations, ou les taux d’urbanisation croissants et la mauvaise planification qui accentuent les effets négatifs causés par la densité de population de la CEDEAO dans les zones urbaines.
Quant aux défis liés à l’offre du système de santé, il se pose le problème de la limitation du financement. Il est caractérisé par la faiblesse du financement national et une forte dépendance à l’égard du financement des bailleurs de fonds et des dépenses de poche (OOP). En plus, on note le faible niveau du nombre, des compétences et des capacités du personnel de santé, sans oublier la faiblesse du niveau des capacités au sein des ministères de la santé des États membres. Ce qui est à l’origine de la mauvaise exécution des programmes bien planifiés.
Il y a également les défis liés à la demande du système de santé. Ils ont trait à une charge élevée de maladies et de résistance aux antimicrobiens (RAM), y compris une charge élevée de maladies transmissibles telles que le paludisme, la tuberculose et le VIH/Sida. Ou encore l’émergence de maladies non transmissibles et de flambées et d’épidémies récurrentes de maladies infectieuses (Ébola et Covid-19, par exemple). La seconde paire de manche concerne les défis internes et externes de l’Organisation ouest-africaine de la santé. Cette dernière fait face à la persistance des épidémies et à leur gestion, aux difficultés de mise en œuvre des programmes financés par le prélèvement communautaire, au retard de la mise à disposition des ressources financières du prélèvement communautaire, ou à l’insuffisance des ressources humaines et financières.
Les actions de l’OOAS
Pour relever ces défis, l’OOAS peut compter sur le prélèvement communautaire et les partenariats avec les partenaires techniques et financiers traditionnels pour avoir les ressources suffisantes pour mener à bien sa politique. Elle travaille en synergie d’actions avec ses Etats membres afin de s’aligner sur les priorités en matière de santé. « L’OOAS met en œuvre ses programmes grâce à un engagement efficace avec les États membres de la CEDEAO », renchérit Dr Melchior Aissi.
Le plan stratégique 2016-2020 de l’OOAS visait à « contribuer à la réduction de la mortalité et de la morbidité associées aux principales maladies et autres problèmes de santé dans l’espace CEDEAO. » A terme, l’OOAS a contribué au renforcement du système d’information sanitaire de district (DHIS) des États membres, ou encore a élaboré et adopté divers cadres de gouvernance pour la gestion des données. En ce qui concerne l’accès à la santé, elle a encouragé l’intégration de la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé, et fait des études sur les vaccins.
L’Afrique ne cesse d’être confrontée à des épidémies. Sur ce volet, ajouté au contrôle des maladies et à la préparation aux urgences, l’organisation a notamment œuvré pour l’adoption des textes relatifs à la création du Centre Régional de Surveillance et de Contrôle des maladies (CRSCM) de la CEDEAO. Par exemple, dans le cadre de la pandémie de la Covid-19, elle a essentiellement fourni à ses pays membres, des ressources de diagnostic et de traitement telles que des réactifs d’essai, des désinfectants, des équipements de protection individuelle (EPI), des ventilateurs et des consommables.
Au total, l’OOAS a pu mobiliser 8,4 millions de dollars US auprès de la Commission de la CEDEAO, 11,1 millions de dollars US et 9,2 millions d’euros auprès des partenaires pour répondre à la Covid-19 dans les États membres. En plus d’avoir reçu 7,6 millions d’euros de la part des partenaires européens, elle s’est investie dans des formations virtuelles, des échanges et des événements d’apprentissage par les pairs pour renforcer les capacités des acteurs concernés par la réponse à la Covid-19.
Par ailleurs, en ce qui concerne la santé de la mère, du nouveau-né, infantile, de l’adolescent, des jeunes et des personnes âgées, l’OOAS a travaillé en collaboration avec ses partenaires pour accroître l’accès aux produits de planification familiale grâce à une vaste campagne de mobilisation sur la planification familiale et le dépistage du VIH/SIDA le long des carrefours transfrontaliers.
Quel apport de la part des médias ?
Malgré ces réalisations, l’Organisation ouest-africaine n’est pas connue en tant que tel. En participant à ce webinaire spécial avec le REMAPSEN Afrique, elle veut renforcer sa visibilité. Ceci, à travers des tribunes de spécialistes des questions de santé de l’Organisation dans les médias pour montrer ses actions. Mieux, elle veut combler le manque d’informations précises et fiables afin d’éviter l’apparition de rumeurs et de désinformation surtout lors des crises. Ainsi, créer et renforcer les liens de confiance entre les communautés et les services de santés, ou contribuer aux changements de comportement néfastes à la santé.
Comparée aux autres organisations de la région, l’OOAS se démarque à travers sa capacité à plaider au plus haut niveau pour l’adoption et la mise en œuvre par les États membres des résolutions relatives à la santé prises à l’échelle internationale. Elle facilite aussi la ratification des accords et autres conventions relatifs à la santé entre les États membres et les partenaires stratégiques. Mieux, elle promeut des interventions sanitaires qui répondent spécifiquement aux besoins des pays d’Afrique de l’Ouest, et arrive à tirer parti de son appartenance à la CEDEAO pour mobiliser des ressources.
Ses priorités s’articulent autour de 5 axes stratégiques tels que les soins de santé et le bien-être, l’information et la recherche en matière de santé, la sécurité sanitaire et la préparation aux urgences, le leadership, la gouvernance et la mobilisation des ressources, et le renforcement des capacités institutionnelles et l’excellence organisationnelle.
Pour Dr Melchior Aissi, l’atteinte des objectifs sanitaires nécessite une coordination et une collaboration multipartites et multisectorielles efficaces, notamment dans les secteurs de la santé humaine et animale, de l’agriculture, de la sécurité, de la défense, de l’application de la loi, de l’aide au développement, des affaires étrangères, de la recherche et des finances. Raison pour laquelle l’OOAS cherche à consolider les collaborations et les partenariats existants avec toutes les organisations sanitaires, et d’en développer de nouveaux avec les partenaires clés de la CEDEAO et du monde entier.
Michaël Tchokpodo