Nous avons rencontré Noé Courvallet, représentant pays Bénin et Chef de projet Accès à l’Énergie et à l’Efficacité Énergétique dans ses bureaux sis à Abomey-Calavi pour une interview exclusive.
Miodjou : Comment expliquez-vous la notion de solidarité climatique ? Et pourquoi est-elle la ligne directrice de vos actions ?
Noé Courvallet : La solidarité climatique est notre vision d’avenir, nous considérons qu’il est indispensable d’être solidaires des populations les plus pauvres tout en réduisant l’empreinte globale de l’humanité sur l’environnement. Au Geres, cette vision est au cœur de notre approche en faveur d’une transition énergétique juste et durable.
Nos objectifs sont en cohérence avec la politique environnementale du Bénin.
Nous croyons fermement que les défis climatiques doivent être affrontés collectivement, avec une attention particulière portée aux plus démunis, souvent les moins responsables du dérèglement climatique mais qui en subissent les conséquences les plus sévères. Cette vision guide nos actions dans le domaine de l’accès à l’énergie et de la transition énergétique, pour créer des opportunités de développement respectueuse du climat et de l’environnement et améliorer les conditions de vie des populations.
En quoi votre action en Afrique, et particulièrement au Bénin, s’aligne sur vos missions et objectifs, en lien avec la politique environnementale du pays ?
L’action du Geres en Afrique, et au Bénin, s’inscrit directement dans nos missions en faveur d’une transition énergétique juste, contre la pauvreté et pour la promotion d’un développement durable pour tous et toutes, et ce, depuis plus de 20 ans. Nous cherchons à réduire les vulnérabilités des populations face aux changements climatiques, en offrant des solutions concrètes et accessibles, particulièrement dans les zones rurales. En ce sens, nos objectifs sont en cohérence avec la politique environnementale du Bénin, qui promeut l’adoption d’énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique pour lutter contre les effets du changement climatique, tout en contribuant à un développement économique inclusif.
Au Bénin, comment travaillez-vous avec les communautés locales pour faciliter l’accès aux énergies renouvelables ? Quelles sont les localités ciblées/touchées et les résultats déjà obtenus ?
Nos interventions ciblent des zones rurales, où l’accès à l’énergie reste limité. Nous sommes particulièrement investis dans le centre du Bénin dans les départements des Collines, du Zou, de la Donga et du Borgou pour renforcer l’accès à l’énergie pour les activités productives et améliorer l’efficacité énergétique des équipements de transformation des groupements de transformation agro-alimentaire.

Notre approche reste toujours participative, en impliquant les communautés dès le départ pour identifier leurs besoins spécifiques en matière d’énergie et de renforcement de capacité. Ces initiatives ont déjà apporté des bénéfices concrets : Des dizaines de petites entreprises rurales accompagnées dans leur accès à l’énergie et plus d’une centaine de groupements de transformation agro-alimentaire ont pu bénéficier de nos technologies de foyers améliorés dans le cadre du projet A3E (Accès à l’énergie et à l’efficacité énergétique pour un développement bas carbone en zone rurale).
Comment impliquez-vous les femmes ou quelle est leur place dans la transition énergétique ?
Partout, les femmes sont les plus menacées par les impacts des changements climatiques. Leurs conditions de vie et de travail sont compromises en premier lieu par les conséquences de ces changements. Les femmes sont souvent motrices du changement et de l’adaptation aux changements climatiques et nous sommes ainsi convaincu·es que la lutte contre les changements climatiques ne peut se conduire sans rechercher, constamment, à réduire les inégalités et, notamment, les inégalités de genre.
La transition énergétique doit être un levier d’inclusion et nous nous engageons sans relâche à renforcer le pouvoir d’agir des femmes. A travers le projet FAME (Féminismes : Actions et Mobilisations pour une Économie inclusive) nous accompagnons les organisations de la société civile béninoise à œuvrer pour une meilleure autonomisation économique des femmes et des personnes vulnérables à travers un soutien financier et des renforcements de capacités.
Pouvez-vous nous parler du projet FRESH que vous pilotez actuellement et de ses implications ?
Au Bénin, les populations urbaines sont exposées à un fort inconfort thermique dans les habitations. L’urbanisation importante et difficile à maîtriser, l’utilisation de tôle et de ciment pour la construction au détriment des matériaux locaux, la méconnaissance par les habitant·e·s des solutions naturelles de rafraîchissement entraînent une surexposition à des chaleurs excessives dans un habitat non-efficace énergétiquement. Cette exposition entraîne des problèmes de santé chroniques et des pertes de productivité importantes.

Pour les familles un peu plus aisées, la climatisation se traduit par une surconsommation d’énergie, générant des émissions de gaz à effet de serre. Pour contribuer à la diffusion de solutions facilement accessibles, réplicables et à bas coût de rafraîchissement dans les bâtiments, le Geres développe dans le cadre du projet FRESH (Favoriser les Rénovations Énergétiques et les Solutions pour l’Habitat) une approche en trois volets, par l’amélioration de l’offre technique (tests, validation, formation des artisans), la maîtrise de la consommation énergétique dans l’habitat (bonnes pratiques, maîtrise d’usage), par les habitants et la mise en relation de l’offre (artisans des filières du bâtiment formés) et de la demande (propriétaires et locataires).
Comment arrivez-vous à mobiliser les ressources nécessaires à vos actions sur le terrain ? Et quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces actions ?
La mobilisation des ressources repose sur un ensemble de partenaires publics et privés, d’organisations internationales et de mécènes. Cependant, la vague mondiale de réduction budgétaire de l’aide publique au développement met en danger l’action des ONG comme la nôtre.
L’inclusion des femmes et des jeunes […] reste au cœur de nos priorités
Pour faire face à cela, nous nous efforçons également de rendre nos projets auto-suffisants à long terme, en créant des solutions qui génèrent des revenus. Cela est un véritable défi pour nous en termes de conception de projet. Malgré ces obstacles, nous restons engagés et résolus à trouver des solutions durables, avec une approche collaborative qui associe les autorités locales, les communautés et nos partenaires.
Quelles sont vos perspectives ?
Nos perspectives sont d’amplifier notre impact, en particulier au Bénin et au Togo, et de continuer à promouvoir le déploiement des solutions énergétiques durables pour les populations les plus vulnérables. Les déchets électriques et électroniques, notamment ceux issus des filières solaires sont un sujet d’avenir pour notre organisation afin d’avoir une approche holistique dans les thématiques de l’accès à l’énergie.
Le renforcement des partenariats avec les acteurs locaux et des capacités des organisations de la société civile locale fait également partie de nos objectifs pour transmettre nos métiers et pérenniser nos actions. L’inclusion des femmes et des jeunes, dans la transition énergétique, en particulier sous l’angle de l’autonomisation économique reste au cœur de nos priorités pour bâtir un futur plus inclusif, plus juste et plus durable.