Dr Gérès Ahognon (Réseau EVA) : « le VIH pédiatrique est aujourd’hui au cœur des actions »

Le rapport régional 2024 sur l’évolution de la situation du VIH SIDA en Afrique de l’ouest et du centre est…

Le rapport régional 2024 sur l’évolution de la situation du VIH SIDA en Afrique de l’ouest et du centre est disponible depuis le mardi 23 juillet dernier. Si le VIH pédiatrique continue d’avoir une part marginale sur l’échiquier africain, des avancées notables sont toutefois enregistrées. Directeur exécutif du réseau Enfants et VIH en Afrique (EVA), Dr Gérès Ahognon, fait un point de la situation au micro de Miodjou. Interview.

Miodjou : Nous venons d’assister au lancement du rapport régional 2024 sur la situation du VIH SIDA en Afrique de l’ouest et du centre. Mais le VIH pédiatrique demeure une fois de plus le parent pauvre. Quelle analyse faites-vous ?

Dr Gérès Ahognon : Il est vrai qu’on peut dire que le VIH pédiatrique est le parent pauvre, mais il faut reconnaître que ces dernières années, beaucoup d’efforts ont été fournis. J’en veux pour preuve, la mise en place très récente de l’Alliance globale. Même si elle n’intègre pas tous les pays de la région, 4 pays ayant les prévalences les plus élevées en sont membres.

En dehors de l’initiative de l’Alliance, au niveau régional, nous avons mis en place un groupe de travail technique qui se penche spécifiquement sur les questions du VIH pédiatrique. Ce qu’il n’y a pas pour les autres entités. Ce sont des progrès louables.

Au niveau thérapeutique, il y a eu ces dernières années une nouvelle donne. Nous sommes passés à des formulations pédiatriques optimisées, contrairement à ce qu’il y avait, dont le goût ou la forme posait problème et inhibait tous les efforts thérapeutiques qu’on pouvait faire. Ce sont aussi des avancées enregistrées.

Pour finir, la partie préface du rapport de cette année porte sur le VIH pédiatrique. Cela prouve quand même que le VIH pédiatrique est aujourd’hui au cœur des actions. Globalement pris, nous sommes autour de 40% comparé aux autres années où nous étions autour de 36 ou 37%. Des efforts sont faits, on peut s’en réjouir, même s’il reste beaucoup à faire.

Quels sont les pays qui sont dans le peloton de tête ?

Les pays qui sont dans le peloton de tête sont les pays membres de l’Alliance parmi lesquels il y a le Nigeria, le Cameroun, la Côte d’Ivoire et la RDC. En fonction de la population de ces pays, même si on parle de 0.6 de prévalence, comparé à un pays comme le Togo, cela paraît très élevé. Nous ne faisons pas juste des analyses en termes d’effectifs. Car, vous pouvez avoir le plus gros effectif, mais tous les enfants sont mis sous traitement et bien suivis.

Le nombre d’enfants mis sous traitement est très faible de même que le nombre de suppressions virologiques.

Malheureusement, dans la région, nous avons fait des analyses récentes où nous avons classé au-delà des prévalences, la qualité même de la prise en charge. Et nous nous retrouvons avec des pays qui ont de très faibles prévalences, mais malheureusement, en termes de qualité de prise en charge, les chiffres sont très faibles. Le nombre d’enfants mis sous traitement est très faible de même que le nombre de suppressions virologiques. Car, une chose est de mettre l’enfant sous traitement, mais l’autre est de faire le suivi.

Quels sont à présent les défis majeurs, notamment par rapport au VIH pédiatrique ?

Les défis liés au VIH pédiatrique portent sur le renforcement du pouvoir économique. Beaucoup de choses vont se jouer à ce niveau et cela ne dépend pas que de nos Etats. Un enfant sous traitement doit être bien nourri. Le traitement n’est pas que médical.

En deuxième lieu, mettre en place des stratégies différenciées démédicalisées pour rechercher les femmes enceinte séropositives afin de les mettre sous traitement et bien les suivre. Le traitement existe et est efficace, mais pour traiter, il faut trouver. Le VIH est une maladie chronique, et pour l’instant, le traitement se fait à vie.

La personne qui est mise sous traitement doit pouvoir être maintenue. Là-aussi, on a des déperditions qu’il va falloir corriger. Et pour que le traitement réponde bien, il faut que la personne aussi ait une meilleure qualité de vie.

Un adolescent qui a des problèmes psychologiques et qui est abandonné, même si on lui donne le médicament, on n’est pas sûr de son efficacité. Donc, ça revient à la question du renforcement économique et social.

Avez-vous déjà pensé au vaccin ?

Par rapport au vaccin, il y a des essais qui sont en train d’être faits, mais il y a aussi d’autres avancées thérapeutiques. À côté des formulations pédiatriques optimisées, au sein du réseau EVA, nous sommes aujourd’hui en train de travailler sur l’acceptabilité et la faisabilité des traitements à longue durée d’action. Ce sont des traitements par rapport auquel des comprimés sont pris sur 2, 3, 6 mois par voie injectable. Cela évite les problèmes relatifs à la prise ou non des médicaments.

La recherche prend du temps. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg que vous pouvez voir quand le résultat est concret. Actuellement, nous menons un projet sur l’acceptabilité des traitements à longue durée d’action, surtout chez les adolescents parce qu’un enfant peut recevoir le traitement chez sa maman. Mais il n’y a aucun contrôle pour savoir si un adolescent l’a correctement pris ou pas.

Nous sommes aujourd’hui en train de travailler sur l’acceptabilité et la faisabilité des traitements à longue durée d’action.

Quand vous prenez un vaccin lambda, il y a toute la chaîne de froid qu’il faut maîtriser avant de passer à l’échelle. Donc, notre étude concerne l’analyse de tous ces facteurs pour voir si chez les adolescents cela peut passer. C’est une étude que nous menons en Afrique de l’ouest et du centre, avec certains pays dont le Bénin.

A la fin de cette étude, on pourra dire si ce traitement peut être administré aux adolescents ou pas, avec tout ce qu’il peut y avoir comme mesures spécifiques et garantir à prendre en compte.

Quant au réseau EVA, quelles sont les perspectives ?

Le réseau EVA se focalise actuellement sur les adolescents. Les nouvelles infections se concentrent sur les 15 à 24 ans. Nous avons fait une étude récente au Burkina-Faso et au Sénégal qui nous a montré que la plupart des adolescents vivant avec le VIH ont des rapports sexuels non protégés.

Sur 100 adolescents, à peine 4 utilisent le préservatif pour avoir des rapports sexuels. Sur 100 adolescents, plus de 36% ont des pratiques sexuelles avec des multi-partenaires. Ces chiffres interpellent. Et sur 100 adolescents, à peine 10 sont prêts à dévoiler leur statut sérologique à leur partenaire, pas faute d’être discriminés ou rejetés. C’est une bombe à retardement.

Une adolescente qui ne se protège pas, même si aujourd’hui, lorsqu’elle prend correctement son traitement, elle est indétectable, mais elle ne fait pas sa charge virale chaque jour pour savoir si elle est indétectable ou pas. Une seule adolescente, si elle a des pratiques multi-sexuelles, le nombre de personnes qu’elle peut infecter et le nombre de personnes infectées qu’elle peut retransmettre est incalculable.

La plupart de nos projets actuellement porte sur les adolescents, parce que ce sont des domaines inexplorés qui vont influencer l’avenir de la lutte contre le VIH SIDA en Afrique.

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