Quel sort pour l’Afrique après le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ? C’est la question qui taraude l’esprit de nombreux observateurs et fait l’objet de nombreux débats. En effet, après son investiture en tant que président des États-Unis le lundi 20 janvier 2025, Donald Trump a annoncé le retrait de son pays de l’organisation.Sans doute, cette décision n’a pas été accueillie favorablement.
L’Organisation mondiale de la santé et l’Union africaine (UA) ont toutes deux déploré cette décision, appelant les Etats-Unis à la reconsidérer. L’Union africaine se dit très « consternée » et espère que Donald Trump « reconsidérera sa décision » de retirer son pays de l’OMS. D’un autre côté, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU « regrette l’annonce de l’intention des États-Unis d’Amérique de se retirer de l’Organisation », a écrit sur le réseau social X le Directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Comme ce dernier, plusieurs dirigeants ont condamné cette décision de Donald Trump. Une décision qui n’est pas à sa première. En effet, c’est la deuxième fois qu’il signe un décret amorçant le processus de retrait des Etats-Unis de l’OMS, la première étant faite en 2020 lors de son premier mandat. Avec cette nouvelle annonce, la première étape vers le retrait des États-Unis consiste à envoyer une lettre officielle à l’OMS, après quoi les États-Unis quitteraient officiellement l’organisation dans un an.
Pour rappel, membre fondateur de l’OMS en 1948, les États-Unis contribuent depuis lors à définir et à régir l’action de l’OMS, aux côtés de 193 autres États membres, notamment en participant activement aux travaux de l’Assemblée mondiale de la Santé et du Conseil exécutif. L’OMS joue un rôle essentiel pour ce qui est de protéger la santé et la sécurité de la population mondiale, y compris celles des Américains et des Américaines, en s’attaquant aux causes profondes des maladies, en renforçant les systèmes de santé, ainsi qu’en détectant et prévenant les urgences sanitaires – y compris les flambées épidémiques – et en y ripostant, souvent dans des endroits dangereux où personne d’autre ne pourrait se rendre.
Depuis plus de 70 ans, l’OMS et les États-Unis ont sauvé un nombre incalculable de vies et protègent la population américaine comme le reste de la population mondiale face aux menaces sanitaires. Le retrait des Etats-Unis de l’OMS est donc engendré par plusieurs raisons.
Que reprochent les Etats-Unis à l’OMS ?
Lors de son premier mandat en 2020, Donald Trump a sévèrement critiqué la gestion de la pandémie de Covid-19 par l’Organisation mondiale de la santé. Il a notamment reproché à l’organisation, son manque d’indépendance et sa trop grande complaisance envers la Chine. Cette position a conduit les États-Unis à se retirer de l’organisation, une décision officialisée par un décret présidentiel. Selon le nouveau locataire de la Maison Blanche, l’OMS a échoué à réagir efficacement à la crise sanitaire qui a émergé à Wuhan, en Chine. Il lui reprochait également de ne pas avoir mis en œuvre les réformes nécessaires et de s’être laissé influencer par des considérations politiques.
De plus, l’ex-président dénonçait une contribution financière américaine qu’il jugeait disproportionnée, alors que l’OMS accordait, selon lui, trop d’attention à la Chine. Durant son mandat, Trump avait aussi critiqué l’organisation pour son manque de réactivité face à Pékin. Il estimait que l’OMS n’avait pas déployé ses experts suffisamment tôt pour évaluer la situation en Chine et avait fait preuve de laxisme face au manque de transparence des autorités chinoises. Toutefois, cette décision a été annulée dès l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, marquant ainsi le retour des États-Unis au sein de l’OMS.
L’Afrique sacrifié !
Les Etats-Unis constituent un partenaire de taille pour l’OMS. Sous l’administration Biden, les Etats-Unis sont restés les principaux contributeurs de l’OMS. En 2023, ils ont contribué à plus d’un cinquième du budget de l’organisation, figurant ainsi en première position sur la liste des 10 premiers contributeurs (2022 – 2023) de l’OMS (1 284 millions de dollars). En Afrique, les États-Unis ont été l’un des premiers et forts partisans de la création de l’Africa CDC, l’agence technique de l’Union africaine pour les urgences de santé publique qui travaille avec l’OMS et les membres mondiaux de l’OMS pour détecter, préparer, répondre et se remettre des pandémies. Ainsi, selon de nombreux experts, les conséquences de ce retrait peuvent être catastrophiques pour le monde entier en général, et l’Afrique en particulier.
Selon Ashish Jha, ancien coordinateur de la réponse à la Covid-19 au sein de l’administration Biden, cité par la BBC, un départ de l’OMS « nuirait non seulement à la santé des populations du monde entier, mais aussi au leadership et aux travaux scientifiques des États-Unis ». Les autorités craignent donc un impact désastreux sur le continent africain si les États-Unis se retirent de l’OMS. Le CDC Afrique, ou Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, reçoit d’importants financements de l’OMS grâce aux contributions massives des États-Unis. Le retrait décidé par Donald Trump pourrait ainsi entraver le bon fonctionnement de cette agence africaine.
Avec la forte contribution des Etats-Unis dans la lutte contre l’épidémie de Mpox, le retrait pourrait sérieusement affecter la lutte en Afrique, ainsi que la riposte contre l’épidémie d’Ebola et toute autre crise sanitaire de type Covid-19. De plus, les États-Unis sont les plus grands contributeurs à la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique et dans le monde. Ce retrait affaiblirait également l’OMS, qui ne pourrait plus coordonner efficacement les recherches sur les vaccins, ni financer l’achat d’équipements médicaux essentiels pour les professionnels de santé, en particulier en Afrique. Les pays à faibles revenus, notamment ceux du continent africain, risquent de rencontrer des difficultés d’accès aux médicaments et aux services de santé essentiels. Une situation préoccupante pour l’Afrique, déjà confrontée à des épidémies comme le Mpox et le virus de Marburg.
Des mesures idoines sont donc nécessaires. Comme plusieurs autorités l’espèrent, il est nécessaire que les États-Unis reconsidèrent leur position. Pour cela, l’OMS et les dirigeants africains devraient engager un dialogue constructif avec Donald Trump afin de maintenir le partenariat entre les États-Unis et l’OMS, dans l’intérêt de la santé et du bien-être de millions de personnes dans le monde. En Afrique, les dirigeants devront de plus en plus soutenir et renforcer l’Africa CDC avec plus de financements. En outre, une augmentation des budgets nationaux dédiés à la santé, une coopération régionale renforcée et des partenariats stratégiques pour protéger les populations les plus vulnérables, sont des pistes de solutions pour contrecarrer les éventuelles déconvenues qui découleraient de ce retrait des Etats-Unis de l’OMS. Un nouveau défi donc pour le continent africain.
Elisée Anani