Initiatrice du mouvement « Sachet Héloué » pour crier son ras-le-bol face à l’utilisation excessive et à la dangerosité du sachet plastique, Sandra Idossou estime après trois années de sensibilisation et de salubrité, qu’il est temps de passer à la répression.
Samedi 07 mars, veille de la journée internationale des droits de la femme, se tenait la 14ème édition de l’Eco-Running spécial femme. Une artère très fréquentée de la ville de Cotonou, capitale économique du Bénin a été parcourue et nettoyée dans une ambiance sportive. « On sait qu’une semaine après, toutes ces artères vont encore à nouveau être salies », se désole Sandra Idossou dont l’engagement rencontre l’obstination de certains citoyens.
Miodjou : Avec un peu de recul, quel bilan d’étape faites-vous dans la lutte contre l’utilisation des sachets plastiques au Bénin ?
Sandra Idossou : Le bilan est assez mitigé. Bientôt trois ans que nous nous sommes engagés à travers notre association [Engagement action sociale, Ndlr] à sensibiliser nos populations sur le fléau des sachets plastiques. Parlant des points positifs, le vote de la loi interdisant l’utilisation des sachets plastiques nous donne un cadre légal pour mener ce combat. Le fait qu’au niveau de quelques institutions, supermarchés et pharmacies, on ne donne plus des sachets plastiques constitue une avancée. Car, beaucoup de sachets sortaient de ces endroits.
Par contre, au niveau des marchés, rien n’a changé. Les sachets qui avaient disparu pendant un temps sont tous revenus. Les commerçants des sachets plastiques continuent à déverser d’énormes quantités de sachets plastiques sur le marché, sans la crainte d’être réprimés conformément à la loi. Cet état de choses nous décourage parce qu’on ne sait plus comment faire appliquer cette loi. Sans répression, la sensibilisation à elle seule ne suffira pas.
Cependant, je pense qu’il y a un changement de comportement au niveau des populations. Cela fait 30 à 40 ans que le sachet est rentré dans nos mœurs. Le phénomène ne prendra pas trois années pour disparaître. Petit-à-petit, il y a quand même une prise de conscience de façon générale. Maintenant, il faut qu’elle se traduise dans les faits, les gestes et les habitudes.
Vous arrive-t-il de repartir sur les sites ayant déjà été nettoyés lors des Eco-Running ?
Oui, tout à fait ! Nous repartons souvent sur ces sites. En réalité, les Eco-Running ont deux objectifs. D’abord, enlever de nos artères, les énormes quantités de sachets plastiques dans la nature. Nous les transformons après l’opération de ramassage. Ensuite, procéder à la sensibilisation. Quand on arrive à mobiliser 500 personnes pour les Eco-Running, nous leur portons le message. Mais aussi, nous sensibilisions toutes les autres personnes qui nous regardent : les riverains, les populations, nos followers sur les réseaux sociaux et à travers les médias.
C’est surtout le volet sensibilisation que nous visons en organisant les Eco-Running. Malheureusement, quand nous repartons sur les lieux après ces journées, les rues sont toujours sales. C’est la preuve que sans avoir fermé les portes d’entrée de ces sachets, cela donne l’impression que nous ne pourrons entièrement atteindre les deux objectifs que nous nous sommes fixés.
La loi sur l’interdiction de la vente et l’utilisation des sachets plastiques peine à être appliquée au Bénin. Comment changer la donne ?
C’est une question à laquelle doivent répondre les autorités à divers niveaux. Pour ma part, je ne sais pour quelle raison la mise en application n’est toujours pas effective. Tant qu’on ne va appliquer les amendes fixées par la loi à ces importateurs, ils continueront à déverser ces sachets dans notre pays. Il est plus qu’urgent que la répression soit mise en place.
Vous avez entrepris de doter le Bénin de 200 poubelles. Comment se déroule l’opération et quelle en est la finalité ?
Nous avons fini l’opération de distribution des 200 poubelles à certaines communes du Bénin. Je suis désolé de remarquer qu’un mois après cette activité, les poubelles peinent à être déployées par les communes qui les ont reçues. C’est un peu décourageant car nous avons mobilisé nos petits sous pour offrir ces poubelles. Nous sommes donc impatients de les voir dans nos villes et quartiers afin qu’elles puissent effectivement véhiculer le message selon lequel la route n’est pas une poubelle. Dehors, c’est aussi chez soi, dehors n’est pas une poubelle.
Par quel mécanisme financez-vous la transformation des déchets plastiques en tables et bancs au profit des écoles ?
En tant qu’association et n’ayant pas de financement, nous nous cotisons pour mener toutes nos activités. Quelques fois, certaines entreprises nous apportent de l’aide pour organiser les Eco-Running. Mais pour tout ce qui a rapport à la transformation des déchets que nous ramassons, nous cotisons entre nous pour fabriquer ces tables et bancs en attendant d’éventuels financements.
Quel est votre ultime challenge en faveur de la protection de l’environnement au Bénin ?
Notre challenge ultime, c’est de trouver la motivation tous les jours pour continuer cette campagne. Nous n’avions pas prévu de continuer à sensibiliser la population au bout de trois années d’activité, sur le fléau des sachets plastiques. En lançant cette campagne, nous avons pensé qu’une fois la pétition transmise à l’Assemblée et qu’une loi a été votée, les choses se feraient naturellement sans qu’on ne soit obligés de s’impliquer.
Malheureusement, la réalité nous a montré qu’il fallait bien plus que cela et être présent sur le terrain. En tant qu’association, quand on est sans financement et même pour aller sensibiliser dans des villes environnantes, il faut payer le déplacement de sa poche, ce n’est pas toujours évident de se motiver. Mais nous continuons par croire que c’est notre devoir citoyen. Evidemment, il ne faut pas que ça dure.
Ensuite, nous espérons vivement que tout ce qui est prévu par cette loi sera fait et que nous ne serons pas obligés de continuer la sensibilisation. C’est un challenge de continuer à croire que cette campagne va avoir un impact. Nous y croyons en espérant que si cela a pu être fait dans d’autres pays, le Bénin ne va pas déroger à la règle. Nous sommes plutôt optimistes malgré ces challenges au quotidien.
Propos recueillis par : Michaël Tchokpodo