Dans son rapport publié en février 2022, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a montré comment le changement climatique a déjà causé des dégâts généralisés à la nature et aux humains au-delà de la variabilité naturelle du climat.
« Le changement climatique est une menace pour l’humanité et la planète. Les risques climatiques apparaissent plus tôt que prévu, et de manière plus sévère. Les écosystèmes et les populations humaines sont poussés à leurs limites, et même au-delà. Tout délai supplémentaire de mise en place d’actions concertées au niveau mondial annihilera tout espoir d’assurer un avenir vivable ». C’est la conclusion à laquelle est parvenu le rapport AR6 du GIEC publié en février 2022.
Selon ce rapport, l’étendue et la magnitude des impacts du changement climatique sont plus importantes que les estimations des rapports précédents. En effet, le changement climatique a déjà causé des dégâts à la nature et aux humains au-delà de la variabilité naturelle du climat. Il est responsable d’une détérioration généralisée des fonctions et structures des écosystèmes (terrestres, d’eau douce, marins). Certains dommages tels que l’extinction d’espèces sont irréversibles. D’autres comme la fonte des glaciers ou les dommages aux écosystèmes arctiques entrainés par la fonte du permafrost le seront bientôt également.
A en croire ce rapport, le changement climatique a aussi un impact négatif sur la santé physique et mentale des populations globalement. Les vagues de chaleurs induisant de la mortalité et des maladies transmises via la nourriture et l’eau sont en hausse. Des maladies apparaissent dans des zones jusque-là épargnées. Egalement, dans les villes, il a impacté la santé humaine, les moyens de subsistance et les infrastructures. Les impacts se concentrent sur les personnes économiquement et socialement marginalisées.
Vulnérabilité et exposition des écosystèmes et des humains
La vulnérabilité des écosystèmes et des sociétés humaines varie grandement selon les régions. Elle dépend fortement du niveau de développement, de l’utilisation non durable des océans et des sols, du niveau d’iniquité et de marginalisation, des modèles sociaux injustes contemporains et passés, ainsi que la gouvernance.
La dégradation des écosystèmes réduit leur capacité à s’adapter au changement climatique, mais aussi celle des individus, des communautés, des sociétés qui en dépendent. Alors qu’au-delà de la variable climatique, la vulnérabilité future des écosystèmes dépend largement des développements humains passés, présents et futurs.
Le rapport chiffre à 3,3 à 3,6 milliards, le nombre d’humains vivant dans des conditions de forte vulnérabilité au réchauffement climatique. Il démontre aussi qu’entre 2010 et 2016, la mortalité humaine due aux inondations, sécheresse et tempêtes était 15 fois plus élevée dans les régions les plus vulnérables. Cette vulnérabilité est aggravée par l’injustice, ainsi que la marginalisation liée au genre, à l’origine ethnique ou au niveau de revenu. L’exemple palpable est celui des peuples indigènes et des communautés locales.
Les risques à court et à moyen terme
Les risques associés au réchauffement climatique vont inévitablement augmenter à court terme. Le rapport du premier groupe de travail a montré que le réchauffement planétaire s’élevait déjà à 1,1°C, et qu’il pourrait atteindre 1,5°C bien avant 2040. Même avec moins de 2°C de réchauffement, il est anticipé que certains risques clés entraîneraient des impacts généralisés, invasifs et potentiellement irréversibles, en particulier en cas d’exposition élevée et de moyens d’adaptation insuffisants.
Les actions à court terme limitant le réchauffement autour de 1,5°C réduiraient donc substantiellement les pertes et dommages aux écosystèmes et aux sociétés humaines par rapport à des niveaux de réchauffement plus élevés, sans toutefois les éliminer.
À partir de 2040, les systèmes naturels et humains feront face à des risques accrus. La gravité des risques dépendra du niveau de réchauffement qui n’est pas proportionnelle à ce dernier. Les écosystèmes feront face à des risques d’extinction croissants à mesure que le réchauffement s’aggrave. Les espèces endémiques sont parmi les plus menacées : leurs extinctions pourraient être multipliées par 10 entre un réchauffement mondial de +1,5°C et de +3°C.
Les ressources en eau vont également être impactées, posant de nombreux défis quant à leur gestion. Par exemple, à +2°C, la quantité d’eau disponible pour l’irrigation issue de la fonte des neiges pourrait diminuer jusqu’à 20% dans certaines régions. À +4°C, 10% des régions terrestres dans le monde pourraient faire face à des variations extrêmes des débits de rivières.
Les villes, les infrastructures et les habitations des zones côtières ou exposées aux fortes températures sont particulièrement menacées. Une augmentation du niveau des mers de 15 cm pourrait accroître de 20% la population soumise au risque de submersion côtière extrême. Cette population triplerait si le niveau de la mer s’élevait de 1,4 m avec la population actuelle. De plus, entre la moitié et les trois quarts de la population mondiale pourrait être exposée à des combinaisons mortelles de chaleur et d’humidité d’ici 2100.
Les stratégies d’adaptation
De nombreux progrès dans la planification et la mise en œuvre de l’adaptation ont été observés, notamment grâce à une prise de conscience croissante des politiques et du public. Ils se sont traduits par de nombreux bénéfices dans la productivité agricole, l’innovation, la santé, la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance, la préservation de la biodiversité, qui ont contribué à réduire les risques et les dommages.
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Toutefois, un large écart existe entre les niveaux d’adaptations actuels et ceux requis face aux risques climatiques. En effet, l’essentiel de l’adaptation observée est très limité : de petite échelle, distribuée inégalement géographiquement, spécifique à un secteur, et en réaction à des impacts observés. Au rythme actuel de mise en place des solutions d’adaptation, cet écart continuera de croître. Il est donc important d’accélérer la planification et la mise en place de solutions pour réduire ces écarts. Sur ce dernier point, la prochaine décennie sera décisive.
Les conditions pour un développement résilient au changement climatique
Les impacts observés, les risques projetés, les évolutions actuelles de la vulnérabilité et les limites de l’adaptation montrent qu’il est plus urgent d’agir en faveur d’un développement résilient au climat que ce qui avait été précédemment évalué dans le cinquième rapport d’évaluation du GIEC. Il est important d’agir dès maintenant de manière conséquente car chaque augmentation de température diminue les chances de succès.
Néanmoins, les possibilités d’un développement résilient au changement climatique ne sont pas les mêmes partout dans le monde. Elles dépendent du contexte national, régional et local. Il peut y avoir des priorités concurrentes entre atténuation, adaptation et développement. L’équilibre entre adaptation et atténuation dépend des capacités, des ressources, de la vulnérabilité, de la culture, de l’environnement et des choix de développement faits par le passé. La vulnérabilité des territoires et les inégalités sociales et économiques exacerbent les défis existants en matière de développement, notamment dans des sites particulièrement exposés comme les zones côtières, les petites îles et les régions polaires.
Le changement climatique augmente la vulnérabilité des territoires. La tendance mondiale d’urbanisation croissante offre une opportunité de développement résilient. Ce dernier passe également par l’adaptation dans les zones plus rurales en encourageant par exemple le maintien des chaînes d’approvisionnement périurbaines en biens et services. Par ailleurs, en 2020, près de 896 millions de personnes vivaient dans des zones côtières de faible élévation. Ce chiffre pourrait dépasser 1 milliard de personnes d’ici à 2050. Ces personnes sont confrontées à des risques aggravés par le climat, notamment l’élévation du niveau de la mer.
Pour diminuer le risque climatique, il est urgent de prendre des décisions quant aux futures constructions, à l’urbanisme, aux infrastructures et à l’utilisation des sols existants. Le développement urbain doit donc répondre aux lacunes en matière d’aménagement du territoire et d’adaptation, tout en diminuant la vulnérabilité des populations marginalisées et à faible revenu.
Roméo Agonmadami