La reconfiguration des modes de financement des projets d’énergie propre en Afrique a été au cœur des discussions lors d’une session organisée le 30 mai 2024 par le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) dans le cadre de ses Assemblées annuelles à Nairobi.
Ce panel, animé par Wale Shonibare, directeur des solutions financières, de la politique et de la régulation de l’énergie à la Banque, réunissait des figures éminentes telles que Maureen Hinda-Mbuende, ministre déléguée des Finances de Namibie, Amadou Hott, envoyé spécial du président du Groupe de la Banque pour l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique (AGIA), Demba Diallo, directeur exécutif et responsable du développement de projets chez Africa50, et Auguste Claude-Nguetsopde, associé et responsable du conseil au secteur bancaire de KPMG en Afrique du Sud.
« La transition énergétique demeure une priorité pour le développement de l’Afrique, mais elle pâtit d’un déficit de financement (…) Le problème vient notamment de la volatilité des taux de change qui reste une préoccupation pour les investisseurs », a souligné Kevin Kariuki, vice-président du Groupe de la Banque chargé de l’Électricité, de l’énergie, du climat et de la croissance verte, lors de l’ouverture de la session.
Pour atténuer ces préoccupations, Kariuki a plaidé pour la création d’un mécanisme transparent et bien gouverné afin de garantir la stabilité nécessaire aux investisseurs, faciliter les emprunts et réduire les risques monétaires en l’absence d’une monnaie commune.
L’impact des fluctuations monétaires
Demba Diallo a illustré ce point en mentionnant les pertes subies par les investisseurs d’Africa50 en raison des dévaluations de plusieurs devises africaines, comme celle du naira nigérian. « Si on peut réduire ce risque de change, on réduit les coûts et on a un meilleur rendement par projet », a-t-il déclaré.
Wale Shonibare a également souligné l’ampleur des besoins financiers : 200 milliards de dollars par an sont nécessaires pour que l’Afrique atteigne ses objectifs en matière d’énergie et de climat d’ici 2030, alors que les investissements n’ont atteint que 90 milliards de dollars en 2022. Il a insisté sur la nécessité pour les pays africains d’accroître leur épargne nationale et de mutualiser leurs ressources naturelles pour financer les infrastructures énergétiques.
Pour parvenir à cette transformation, trois facteurs clés doivent être pris en compte. Il s’agit essentiellement de l’accès à un financement durable à long terme, qui inclut la réduction du risque de change et la préservation de tarifs d’électricité abordables dans un contexte où 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité ; la mise en commun et l’exploitation des richesses naturelles pour attirer les investisseurs internationaux vers des projets rapportant en monnaie locale sans avoir besoin de garanties gouvernementales.
Ajoutons aussi la richesse en minéraux rares, en exploitant les ressources minérales du continent, essentielles pour de nombreuses technologies d’énergie propre, afin de créer de nouveaux marchés d’exportation.
Ressources abondantes mais sous-exploitées
Le continent abrite 60 % de la capacité solaire mondiale, 50 % de l’éolien, ainsi que des pourcentages significatifs de cobalt, de platine et de manganèse. Cependant, l’Afrique n’attire actuellement que 3 % des investissements mondiaux dans l’énergie et 2 % dans les énergies vertes.
Les pays africains pourraient éviter les emprunts à long terme en devises fortes en finançant les projets d’infrastructure par des unités de compte africaines, échangeables contre des devises internationales tout en maintenant la stabilité par rapport aux monnaies locales.
Le poids de la dette et la nécessité d’une approche concertée
La dépendance à la dette en devises fortes expose les pays africains à des risques de change considérables, impactant les coûts énergétiques nationaux. Bien que des couvertures de change existent, elles sont souvent coûteuses et insuffisantes pour soutenir les investissements nécessaires en énergie propre à long terme.
Maureen Hinda-Mbuende a insisté sur l’importance d’un engagement collectif pour créer un mécanisme financier permettant d’atténuer ces risques de change. Elle a également souligné la nécessité pour les pays africains de mieux valoriser leurs ressources naturelles afin de maximiser les bénéfices de leurs exportations.
Auguste Claude-Nguetsopde a partagé cet avis, estimant que la mutualisation des ressources serait bénéfique pour le continent. Amadou Hott a conclu en appelant à une évaluation des ressources disponibles dans chaque pays et à une meilleure exploitation de celles-ci pour le développement énergétique du continent.
Roméo Agonmadami