Gestion endogène des ressources naturelles : un atout pour la préservation de la biodiversité

La gestion traditionnelle des forêts sacrées est un atout pour la conservation de la biodiversité. A Bonou et à Zagnanado,…

La gestion traditionnelle des forêts sacrées est un atout pour la conservation de la biodiversité. A Bonou et à Zagnanado, deux communes bénéficiaires du Projet d’Intégration des Forêts Sacrées dans les Aires Protégées du Bénin (PIFSAP) mené de 2011 à 2016, le respect des divinités, les principes moraux et les interdits concourent à faire barrage à l’utilisation abusive de ces forêts, tout en leur préservant leur valeur à la fois écologique, floristique et faunistique.

Doga, village de l’arrondissement de Zagnanado, commune du même nom, dans le centre du Bénin. Bassine remplie d’eau pour l’une et cuvette pleine de linge mouillé pour l’autre, deux femmes remontent la pente raide d’un des sentiers menant à Togbozoun, la forêt sacrée du village. Elles reviennent de la source Awaya, l’une des trois sources d’eau aménagées disponibles dans la forêt. La forêt est consacrée à Baba-Aké, la divinité Oro.

« Cette forêt existait bien avant que je ne vienne au monde. C’est une forêt sacrée habitée par Baba-Aké », explique Adjinan Fètomey, dignitaire du culte Oro à Doga et responsable des lieux.

Le caractère sacré de l’espace ne l’a cependant pas épargné des ravages de l’action humaine. A l’instar de bien de forêts sacrées du Bénin, celle de Doga était en effet exposée, il y a quelques années seulement encore, à une dégradation due à une exploitation abusive. « Nous avions remarqué qu’il commençait à y avoir un déficit d’arbres », se souvient Adjinan Fètomey.

Mené de 2011 à 2016 dans plusieurs communes avec l’appui du Gouvernement béninois, du Fonds pour l’environnement Mondial (FEM) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Projet d’Intégration des Forêts Sacrées dans les Aires Protégées du Bénin (PIFSAP) a travaillé à résorber la dégradation de la forêt sacrée de Togbozoun.

Des arbres y ont été plantés, dont certains dotés de vertus médicinales. Certaines espèces y ont été aussi introduites. Cerise sur le gâteau, la forêt jouit d’une reconnaissance légale.

« Ce projet nous a été très bénéfique. Sans arbre, il ne saurait y avoir de forêt. Nous devons à ce projet de nous avoir aidés à faire revivre notre forêt grâce aux plants d’arbres qui nous ont été offerts. Grâce au projet, cette forêt est aujourd’hui reconnue et protégée dans son intégrité. Personne ne peut y toucher. L’endroit dispose de documents officiels », se réjouit le responsable.

Des codes locaux imposent le respect

Autrefois sujette à des pressions humaines qui menaçaient sa survie, la forêt est aujourd’hui sécurisée. Une sécurisation renforcée par un ensemble de codes locaux mis au point par la communauté pour faire respecter la divinité qui habite la forêt et préserver la formation végétale et les espèces animales qu’elle contient, des utilisations abusives.

« Il est interdit de chercher du bois dans la forêt, d’y déféquer, d’y prélever du bois pour construire sa maison entre autres. Le vodou qui l’occupe est un vodou sévère qui ne badine avec personne, même pas avec le responsable que je suis », Adjinan Fètomey. Arrivé à la tête de la forêt à la mort de son père il y a 25 ans environ, il est confiant que son fils, qui lui succèdera à sa disparition, saura travailler à la conservation de cette forêt héritée des anciens.

La forêt dispose de plusieurs sources d’eau dont trois sont aménagées pour les besoins des populations. Scindée en deux parties dont l’amont réservé à l’eau de boisson, la source d’Awaya offre une eau cristalline appréciée des populations. « Elles y vont pour puiser de l’eau, laver leurs linges ou faire la vaisselle et n’ont pas besoin d’autorisation pour cela », explique Adjinan Fètomey à condition, cependant, de respecter les principes moraux et interdits qui régissent la forêt.

Les femmes sont les principales utilisatrices de la source. « L’accès n’est refusé à personne. En tant que femme, nous respectons les interdits imposés par le vodou. Quand nous voulons nous laver, nous avons l’obligation de porter des sous-vêtements et de couvrir notre corps. Nous ne salissons par l’eau. Si quelqu’un brave les interdits, le vodou se met en colère », à en croire Joséphine Dotchémin, une habitante de Doga.

« C’est une forêt qui existait bien avant que je ne vienne au monde  Nous en tirons énormément d’avantages. Nous y trouvons des plantes qui nous servent à faire des tisanes pour lutter contre des maladies. Elle regorge de bienfaits et c’est la raison pour laquelle les anciens ont posé des verrous pour sa conservation », renchérit Adjinan Fètomey.

La renaissance de Gbèvozoun

Comme celle de Doga, la forêt Gbèvozoun dans l’arrondissement Damè Wogon, commune de Bonou dans le sud-est du Bénin est protégée par des codes locaux. Dédiée à la divinité Gbèvo, la forêt a été victime de la période révolutionnaire (années 70 et 80) avec une destruction massive de ses arbres. A cette destruction s’est ajoutée une pression démographique ayant conduit au morcellement de la forêt pour servir de champs et d’habitats aux riverains.

Bénéficiaire du PIFSAP, cette forêt est aujourd’hui gérée par un comité de treize membres coiffée par un Gbèvonon, prêtre du fétiche Gbèvo. Actuellement présidé par Dah Gbèvonon Akoï, le comité s’assure du respect des interdits par les membres de la communauté. Au nombre de ces interdits, celui d’entrer dans la forêt sans l’autorisation du prêtre, de chasser ou d’y aller poser des pièges.

« C’est grâce au PIFSAP que cette forêt tient encore debout. On constate qu’elle est devenue une vraie forêt maintenant. Aujourd’hui on ne peut plus y pénétrer n’importe comment, comme les gens avaient pris l’habitude de le faire auparavant. Avant, en l’espace de deux jours seulement, des femmes pouvaient venir couper et charger jusqu’à deux voitures bâchées de bois pour aller le vendre. Aujourd’hui, elles ne peuvent plus le faire. C’est un changement radical que nous apprécions », se réjouit Augustin Bonou, le secrétaire du Gbèvonon.

Comme à Doga, le PIFSAP a permis la délimitation des frontières de la forêt Gbèvozoun qui jouit aujourd’hui du statut d’aire protégée de protection en tant que domaine communautaire de conservation.

Avec l’objectif de « promouvoir l’utilisation durable des forêts sacrées du Bénin sous la forme d’un réseau de zones de conservation communautaires incorporées dans le système national des aires protégées », le PIFSAP a pris en compte 58 forêts sacrées réparties sur 26 communes du Bénin.

Le projet a permis pour chaque forêt la mise en œuvre des Plans d’Aménagement et de Gestion Simplifiée des Forêts (PAGS), dans lesquelles les communautés elles-mêmes ont identifié des activités alternatives comme le petit élevage, la plantation de plantes médicinales, le maraîchage etc. pour qu’elles ne continuent pas de détruire les ressources forestières, afin d’assurer leur subsistance. 

Elisabeth Tossou, chargée de programme Environnement au PNUD/Bénin espère que ce projet servira véritablement de déclencheur pour les communautés et les autorités, afin que les conservatoires de la biodiversité que sont les forêts sacrées puissent être préservés et respectés.

Flore Nobimè

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