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Bénin : les forêts sacrées, des conservatoires de la biodiversité

Espaces forestiers divinisés et gérés par les communautés sur la base de pratiques traditionnelles, de pouvoirs et de valeurs endogènes, les forêts sacrées se posent comme l’une des réponses à la perte accélérée de la biodiversité. Grâce au Projet d’Intégration des Forêts Sacrées dans les Aires Protégées du Bénin (PIFSAP) mené de 2011 à 2016 avec l’appui du Gouvernement, du Fonds pour l’environnement Mondial (FEM) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), plusieurs forêts sacrées sont devenues aujourd’hui des conservatoires de la biodiversité à Avrankou dans le sud-est du Bénin.

« Nous avons beaucoup d’animaux dans cette forêt. Il y a aussi des arbres de diverses espèces. Nous en tirons beaucoup d’avantages et puis, la présence des arbres est bénéfique pour l’environnement ». Sèmassa Adandé ne tarit pas d’éloges sur l’«Oro-zoun» de Wamon, la forêt sacrée dont il est le président. Séparé des plus proches habitations par une piste de quelques mètres seulement, l’espace de 6700 m2 dédié à Oro, une divinité vénérée dans l’aire culturelle yorouba-nagot et dont le lieu de manifestation par excellence est la forêt, est aujourd’hui à l’abri de l’emprise de l’homme.

A quelques kilomètres de là, dans l’arrondissement d’Avrankou, la forêt sacrée Ichaale de Latche, d’une envergure 7087 m2 et aussi consacrée à Oro, est touffue. Entouré par une clôture en béton, le sanctuaire situé à un jet de pierre d’un établissement scolaire et de champs de maïs présente un aspect touffu d’où émergent de grands arbres, dont certains imposants.

« Sans le PIFSAP, cette forêt aurait peut-être disparu. On y a réintégré des plantes, dont certaines médicinales. Les plus gros arbres sont restés parce que c’est une forêt qui a bénéficié d’une attention. Elle n’est pas la seule. Trois forêts sont intégrées aux aires protégées aujourd’hui », explique Apollinaire Oussou Lio, le secrétaire général de la mairie d’Avrankou.

Forêts sacrées et biodiversité

Malgré leur sacralité, les espaces forestiers divinisés ne sont pas épargnés par la dégradation que subit la nature avec la destruction des forêts, des plans d’eau, la disparition de certaines espèces végétales et animales, la pollution toxique, etc., dû aux différents modes et pratiques d’exploitation inadéquats. Depuis les années 1990 par exemple, le Bénin a perdu environ un tiers de la couverture forestière.

Dans le but de conserver la biodiversité d’importance mondiale présente au Bénin en protégeant et en gérant de façon durable les ressources forestières biologiquement et culturellement importantes, le PNUD a mis en œuvre le Projet d’Intégration des Forêts Sacrées dans les Aires Protégées du Bénin (PIFSAP) dans 58 forêts sacrées réparties sur 26 communes.

Appuyé par le Gouvernement béninois, le FEM et le PNUD, le PIFSAP a doté ces forêts sacrées, dont celles de Wamon et de Latche, d’un statut officiel de protection en tant que domaines communautaires de conservation avec une sécurité foncière.

Un grand pas que salue Sèmassa Adandé : « Cette forêt a une existence légale aujourd’hui. Personne ne pourra la déplacer, ni tenter d’en vendre la moindre parcelle », se réjouit-il, ajoutant, réconforté, que « les familles auxquelles appartiennent les terres sur lesquelles se trouve la forêt ont renoncé à leurs droits ».

Outre la sécurité foncière, le PIFSAP a permis non seulement d’évaluer les besoins des forêts sacrées en espèces fauniques et floristiques, mais aussi d’y planter des arbres pour les délimiter, et d’y lâcher certaines espèces animales disparues, notamment des serpents qui permettent de détruire les termites, rongeurs d’arbres.

« Nous ne remercierons jamais assez le PNUD pour ce projet »

A Avrankou, les forêts prises en compte par le PIFSAP constituent aujourd’hui un patrimoine culturel, cultuel et écologique préservé par les comités locaux de gestion mis en place par le PNUD pour le bien-être des communautés.

« Ces forêts ont des utilités à la fois cultuelles, culturelles, économiques et même sanitaires. On y retrouve une variété d’espèces végétales rares (…), utilisées par les communautés de façon efficiente et organisée. Beaucoup d’espèces d’oiseaux prennent la zone comme habitat », explique, satisfait, Apollinaire Oussou Lio.

« Le PIFSAP a mis à notre disposition des plants d’arbres. Il y en a que nous ne connaissions pas. Aujourd’hui, ces arbres aident notre communauté. Nous utilisons leurs écorces, leurs feuilles ou les racines à des fins médicinales. Nous ne remercierons jamais assez le PNUD pour ce projet », s’enthousiasme Sèmassa Adandé.

Dans ces forêts, les essences séculaires sauvées côtoient des espèces comme le Xylopia aethiopica, communément appelé poivre de Guinée ou  Kpédjélékoun en langue fon du sud du Bénin, et dont le fruit séché et les écorces sont prisés pour leurs vertus médicinales. On y retrouve aussi, le Triplochiton scleroxylon ou abachi dont le bois est utilisé pour les menuiseries, les feuilles préparées dans la cuisine traditionnelle, et l’écorce en médecine traditionnelle pour traiter les œdèmes. Des arbres comme le Cola gigantea et le Ceiba pentandra, communément appelé fromager figurent aussi au nombre des essences présentes dans ces forêts.

« Réservoirs de ressources exploitables »

Aussi variée que la flore, la faune est constituée d’animaux dont le guib harnaché, la genette, le rat de Gambie, le caméléon, le python royal et d’autres serpents, le caméléon, la tortue, l’escargot, le lézard, l’écureuil, l’aulacode.

Quatre ans après la clôture du PIFSAP, Sèmassa Adandé qui officie par ailleurs comme chef du culte Oro, n’a de cesse de saluer ces acquis qui lui font envisager l’avenir de ces conservatoires avec sérénité.

De son côté, la mairie marque son engagement à protéger les forêts sacrées de la pression démographique. « Dans ses outils de planification spatiale, la mairie d’Avrankou a pris la précaution de réserver, dans les lotissements, des forêts comme celles-là. Elles sont intégralement conservées avec un aménagement autour, et ceci pour que des gens ne se lèvent pas un jour pour les vendre ou les dégager », rassure M. Oussou Lio.

Après cet éveil des consciences provoqué par le PNUD à travers le PIFSAP, des défis restent à relever pour les bénéficiaires et les autorités. Pour Elisabeth Tossou, Chargée de programme Environnement au PNUD/Bénin, l’un des défis majeurs est la pérennisation des acquis du projet pour une protection et une gestion durable, « afin que ces forêts puissent être respectées car elles constituent pour les communautés, des réservoirs de ressources exploitables économiquement, culturellement, etc. ».

Flore Nobimè

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