L’ONG américaine IPAS et le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN) ont organisé le 22 décembre 2020, un webinaire sur les avortements non sécurisés en Afrique de l’Ouest et du Centre. La séance virtuelle a réuni une trentaine de journalistes de dix pays africains.
« Rompre le silence sur les avortements non sécurisés en Afrique de l’Ouest et du Centre». C’est le thème de ce webinaire qui s’inscrit dans le cadre de la campagne régionale médiatique sur les droits sexuels et les avortements sécurisés en Afrique de l’Ouest et du Centre. Soutenue par IPAS et mise en œuvre par le REMAPSEN, ladite campagne a pour objectif de promouvoir les droits humains et leurs impacts sur la mortalité évitable en Afrique francophone.
Axée autour des communications de Dr Sosthène Dougrou, directeur d’IPAS Afrique francophone et Dr Jean-Claude Mulunda, directeur pays d’IPAS RDC, la séance a été l’occasion pour les journalistes de mieux s’imprégner de la problématique de l’avortement, du Protocole de Maputo ainsi que des droits sexuels et reproductifs.
« 73,3 millions d’avortements provoqués »
Dr Sosthène Dougrou a donné un aperçu global de l’avortement et l’ampleur de l’avortement non sécurisé : « Entre 2015 et 2019, une moyenne annuelle de 73,3 millions d’avortements provoqués ont été enregistrés dans le monde ».
S’agissant des avortements non sécurisés, leur nombre s’élève à 25 millions par an a-t-il précisé, ajoutant que pour leur grande majorité (97%), ces avortements à risque sont réalisés dans les pays en développement dont l’Afrique. L’OMS définit l’avortement non sécurisé comme « une interruption de grossesse pratiquée par des personnes non qualifiées ou dans un environnement non conforme aux normes médicales minimales, ou les deux ».
Sur le continent africain, au moins six millions de femmes interrompent leur grossesse dans des conditions dangereuses, mettant en danger leur vie. Il faut dire que ces avortements sont pratiqués avec des méthodes incluant l’insertion d’objets dans l’utérus, de produits chimiques, des pratiques issues de la pharmacopée traditionnelle, l’utilisation de médicaments en surdosage, etc.
Pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité, les avortements à risque peuvent entraîner hémorragies, septicémie, traumatismes des organes reproductifs et abdominaux, etc., des complications pouvant mener à la mort ou l’invalidité.
Mise en œuvre du Protocole de Maputo : une autre paire de manches !
Selon l’Institut Guttmacher, les femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) de la région vivent en grande majorité (92%) sous des juridictions où l’avortement est fortement ou modérément limité.
« Plus de 9 femmes sur 10 en âge de procréer vivent dans des pays dont la législation en matière d’avortement est restrictive », a avancé Dr Dougrou qui soutient qu’ « imposer des restrictions n’empêche pas le recours à la pratique, mais augmente la probabilité que les femmes utilisent des méthodes dangereuses qui mettent potentiellement en danger leur vie ».
En 2003, l’Union africaine a adopté le « Protocole de Maputo », dont l’article 14 autorise l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus.
Entré en vigueur le 25 novembre 2005 et ratifié à ce jour par 34 pays, ce protocole est loin d’être une réalité pour les Africaines, ce que regrette Dr Dougrou : « Beaucoup de pays qui ont ratifié le Protocole peinent à le mettre en œuvre sur le terrain ». Les chiffres révèlent que « seulement 1 avortement sur 4 est pratiqué dans des conditions de sécurité ».
Les journalistes appelés à agir pour faire bouger les lignes
Dr Jean-Claude Mulunda a édifié les journalistes sur la domestication du Protocole de Maputo en RDC. Il a expliqué comment la motivation d’agents du changement au sein du gouvernement, des pouvoirs publics et de la société civile, avec l’implication de la Cour constitutionnelle, a contribué à faire bouger les lignes dans ce pays.
Tout comme Dr Sosthène Dougrou, le directeur pays d’IPAS RDC a invité les journalistes à amplifier qualitativement et quantitativement l’information en matière de droits et santé sexuelle et reproductive en rompant le silence sur les avortements non sécurisés. Pour ce faire, il les a encouragés à réaliser des investigations en recourant à des données et en n’occultant pas les aspects liés au droit.
Bamba Youssouf, le président du REMAPSEN n’a pas caché sa satisfaction à l’issue des présentations. « Nous savons ce que nous devons faire, nous avons de la matière pour », s’est-il exclamé, réitérant l’engagement des journalistes à jouer leur partition dans la lutte contre les avortements à risque, et à œuvrer pour la promotion des droits sexuels et reproductifs.
La réunion en ligne a connu la participation des journalistes du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la République de Guinée, du Mali, du Niger, de la République démocratique du Congo, du Sénégal et du Togo.
Flore Nobimè