Accueil Interview Save Dakar, l’initiative citoyenne du photographe Sénégalais Mandione Laye Kébé pour sortir l’Afrique de l’enfer

Save Dakar, l’initiative citoyenne du photographe Sénégalais Mandione Laye Kébé pour sortir l’Afrique de l’enfer

Le photographe Sénégalais Mandione Laye Kébé

Partir d’un rêve de footballeur pour devenir artiste-photographe spécialisé dans la protection de l’environnement et la sauvegarde du patrimoine matériel, il faut être Mandione Laye Kébé pour le faire. D’origine sénégalaise, ce jeune de 31 ans, épaulé d’une équipe de cinq membres, met son art visuel (photographies, infographie et vidéos) à contribution pour révéler, en bien et en mal, la face cachée de Dakar par son initiative Save Dakar. Interview !

Magazine In Afrik : Pourquoi la protection de l’environnement vous tient tant à cœur ?

Mandione Laye Kébé: Protéger l’environnement, c’est préserver la survie et l’avenir de l’humanité. En effet, l’environnement est notre source de nourriture et d’eau potable. L’air est notre source d’oxygène. Le climat permet notre survie et la biodiversité est un réservoir potentiel de médicaments. Préserver l’environnement est donc une question de survie.

Que représente Dakar pour vous ?

Dakar la belle est une ville attrayante grâce à sa position géographique, son climat et son ambiance. Elle est un endroit propice pour les affaires et le tourisme. Malheureusement, nous sommes confrontés à trois grands problèmes, que l’on retrouve dans toutes les villes africaines : l’insalubrité, l’anarchie et l’incivisme.

« Save Dakar » : Appel au secours d’une capitale au patrimoine en déliquescence, biens publics mal-entretenus ou simple slogan ?

Save Dakar, c’est une Initiative Citoyenne qui alerte, fédère et mobilise sur l’importance de notre Cadre de Vie, du Respect du Bien Commun, du Civisme, de l’Environnement et de notre Responsabilité Individuelle pour l’Intérêt de tous. Le Sénégal ne changera pas si les mentalités ne changent pas. L’émergence, c’est dans les comportements avant les infrastructures.

Quel fait marquant a motivé votre détermination pour la cause de Dakar ?

Un jour, j’étais à la place de l’Indépendance à l’heure de la pause-café. J’ai constaté l’anarchie qui régnait dans les alentours. Or, c’est à 200 m du palais présidentiel, non loin du ministère des Affaires étrangères et d’autres bâtiments administratifs. Ça m’a beaucoup choqué. C’est à ce moment que je me suis dit : « je dois réagir. » Ainsi, j’ai commencé à prendre des photos que j’ai postées sur les comptes Twitter et Facebook de ‘’Save Dakar’’ que je venais juste de créer.

Comment avez-vous commencé ?

L’initiative est née au mois de juin 2017 grâce mon simple smartphone. Au départ, je prenais des photos de scènes d’incivisme perçues sur les artères de la ville de Dakar que je publie sur les réseaux sociaux. Il est un peu difficile pour un Sénégalais lambda comme moi d’atteindre les médias, alors qu’internet est plus rapide et plus accessible. J’ai constaté aussi que tous les jeunes sont actifs sur les réseaux sociaux, quel que soit leur statut : élève, étudiant, maçon, menuisier, mécanicien, vendeur ambulant, etc. Alors, je me suis dit : « voilà un bon moyen pour dénoncer pour faire réagir les politiques et en même temps sensibiliser mes concitoyens. »

De façon pratique, comment se fait la mise en œuvre ?

Les questions d’ordre environnemental intéressent peu de gens au Sénégal. Beaucoup de Sénégalais ne se sentent pas concernés par le civisme et la citoyenneté. Donc, le fait de mener des actions citoyennes est un combat de titan. Nous misons beaucoup sur la sensibilisation (faire en sorte que les populations prennent conscience de la nécessité de respecter les espaces publics et aussi d’arrêter les détournements d’usage…) Nous utilisons tous les canaux (presse écrite, radio, télé, réseaux sociaux) pour atteindre nos cibles. Ci-joint, notre programme Save Dakar pour 2018. Il y a aussi une application mobile qui est en train d’être développée pour permettre aux citoyens de signaler les problèmes d’intérêt public.

Concrètement, quelle transformation morale, idéologique et matérielle vos actions ont déjà apporté ?

Je suis content que les Sénégalais, particulièrement les Dakarois, adoptent notre concept. Tout le monde en parle, tout le monde l’utilise (sur les réseaux sociaux) pour dénoncer ou sensibiliser. Sinon, dire que grâce à notre initiative, le comportement des Sénégalais commence à changer, ça va être compliqué. Le mal est profond, le changement de comportement prendra beaucoup de temps. Ce qui est sûr, l’Etat doit collaborer avec des initiatives comme Save Dakar pour, au moins, prétendre à l’émergence qu’on incarne.

L’un de vos vœux est d’arriver à désencombrer Dakar. Quel est l’apport des autorités locales à cette initiative ?

Nous félicitons Monsieur Alioune Ndoye, le maire de Dakar Plateau, qui fait une vaste opération d’enlèvement des objets encombrant les voies publiques. Nous souhaitons que les autres mairies suivent son initiative pour le bonheur de tous. Nous avons aussi de très bons rapports avec le directeur de l’ONAS (Office National de l’Assainissement du Sénégal) M. Lansana Gagny Sakho qui soutient notre initiative. Nous voudrions que d’autres autorités se joignent à nos actions. Il faut le rappeler, Save Dakar n’a même pas encore une année d’existence.

Envisagez-vous implémenter vos actions dans d’autres villes ?

La plus belle récompense de Save Dakar, c’est quand je me réveille le matin, j’ouvre mon email et je vois des messages d’autres jeunes du continent ou du Sénégal me dire : « votre initiative nous inspire. Nous voulons faire la même chose dans notre pays ou région du Sénégal. » Déjà, il y a Save Ndjaména, Ouaga, Saint Louis, Louanga au Sénégal et j’espère qu’il y en aura d’autres pour dire enfin Save Afrique (Rire).

Étant une initiative citoyenne, par quel mécanisme financez-vous vos différentes activités ?

Depuis le début de notre projet, nous avons choisi de construire notre réflexion autour d’actions citoyennes concrètes, financées par notre temps et nos maigres moyens tout simplement pour l’amour de notre pays. C’est important que les gens sachent que l’équipe de Save Dakar ne compte pas sur l’initiative pour vivre, encore moins subvenir à ses besoins personnels. Chacun de nous travaille dans son domaine. Mais nous ne refusons pas l’aide des citoyens, surtout venant des autorités.

Quel modèle de ville a inspiré le projet « Save Dakar » ? Et pourquoi ?

Kigali, en plus d’être la ville la plus belle d’Afrique, elle est également la troisième ville la plus verte au monde. Passé l’épisode du génocide, il a fallu seulement quelques années pour la voir développée. Ce pays fait aujourd’hui la fierté de tout un continent. C’est pour dire que quand on veut, on peut. Kigali est un exemple à suivre.

Vous redoublez à chaque fois d’ingéniosité pour vendre la destination Dakar. Jusqu’où irez-vous pour voir votre rêve se réaliser ?

Il faut admettre que Dakar sera une belle ville, si nous parvenons à éradiquer nos problèmes. Dakar pourra concurrencer des villes comme Marrakech, Dubaï, Kigali… Déjà, nous avons comme atouts : la stabilité du pays et l’étiquette que le monde entier nous colle : la Teranga sénégalaise qui signifie l’hospitalité. Save Dakar ne montre pas que le côté négatif du pays, nous montrons aussi les  choses intéressantes à faire et à découvrir dans notre cher pays.

A quels genres de difficultés êtes-vous confronté ?

Au début, je me suis fait insulter sur les réseaux sociaux parce que je montrais le côté sombre de notre pays et pourtant j’ai rien inventé. Je n’ai fait que mon devoir de citoyen pour sauver notre pays. Je n’oublie jamais les mots de mon ami Boubacar Seck le matin que je voulais tout arrêter : « Mandione, continue le combat. Les gens au début sont dubitatifs, mais après, ça adhère. » Aujourd’hui, beaucoup de gens supportent notre initiative.

Quel est votre plus grand rêve ?

Mon plus grand rêve est que les Sénégalais arrêtent de dire : Mbédmi Bêdu Buur, c’est-à-dire que dans l’entendement général, le bien commun appartient au Roi. Par conséquent, tout le monde l’utilise comme bon lui semble sans se sentir personnellement impliqué pour son entretien. L’autre chose est que Save Dakar grandisse et obtienne des résultats durables.

Propos recueillis par : Michaël TCHOKPODO

Source : Magazine InAFrik

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